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3 mars 2016 4 03 /03 /mars /2016 07:29

 

 

Pour bien comprendre les événements qui vont suivre et qui intéressent si vivement l'histoire de Dinan, il importe de remonter un peu dans la généalogie des Beaumanoir du Besso (voir La vicomté du Besso à Saint-André-des-Eaux). Nous citons rapidement, de père en fils, les successeurs de cette branche qui furent :

1° Robert, frère de Beaumanoir « Bois ton sang », chambellan du duc de Bretagne, époux de Tiennette du Besso.

2° Jean Ier, époux de Jeanne Boutier.

3°Jean II, sgr. de Claye, époux de Hamette du Bois-Hamon.

4° Jean III, époux de Jeanne de la Bérue.

5° Brient, chambellan de Louis XI, époux, en 1458, de Marguerite du Creux.

6° Gilles, chambellan du duc François II, époux de Jacquemine du Parc. 7° François, chambellan de Louis XII, mort à Angers en 1509 sans mariage.

7° Charles, frère du précédent, époux d'Isabeau de Busson.

8° Jacques, échanson du roi François Ier, époux 1° 15 juin 1538, de Adélice de laFeuillée dont il eut deux filles, Marguerite et Jeanne, cette dernière morte jeune. Marguerite épousa, en 1551, Tanguy de Rosmadec, sgr de Molac. Jacques épousa en secondes noces Jeanne de Quellenec dont le frère, Charles, fut tué à Paris à la St-Barthélemy (1572), laissant sa fortune à son neveu ci-après.

9° Toussaint de Beaumanoir, fils de Jacques (2e mariage), épousa Anne de Guémadeuc dont il eut Hélène, l'objet de cette notice. Ajoutons que Jacquemine de Beaumanoir, soeur de Toussaint et tante d'Hélène, épousa François de Guémadeuc dont elle eut Françoise de Guémadeuc, mariée à M. de Vignerot sieur du Pont de Courlay. Toussaint de Beaumanoir, vicomte du Besso, baron du Pont-l'Abbé et de Rostrenen, naquit à Jugon le 1er septembre 1554. Il épousa Anne de Guémadeuc vers 1586. Il avait environ 32 ans et était chevalier des ordres du roi, capitaine de 50 hommes d'armes de ses ordonnances, et maréchal de camp des armées de Bretagne. Dans la guerre de la Ligue, Toussaint embrassa le parti d'Henri IV (il était huguenot) et fut chargé du commandement de l'infanterie en Bretagne. En 1590, après s'être signalé en différents combats, il passa à Rennes le 9 février, allant rejoindre le prince de Dombes au siège d'Ancenis que les Ligueurs tenaient au nom de Mercoeur. Là, il fut grièvement blessé au bras d'un coup d'arquebuse. On le rapporta à Rennes où il mourut le 17 mars 1590, laissant sa jeune femme enceinte de son premier enfant (voir Histoire de Jugon, page n° 4 : les guerres de la Ligue). Il avait lui-même 36 ans. La jeune veuve enferma son deuil dans le manoir de Dinan appelé aujourd'hui le Vieux Couvent (nous verrons pourquoi) et faisant face à la rue de Ladrerie conduisant à St-Sauveur. Cet intéressant manoir, magnifique spécimen du début de la 1re Renaissance en Bretagne, avait été construit par Jacques de Beaumanoir dont nous avons parlé plus haut et était devenu le séjour habituel des vicomtes du Besso. C'est là qu'Hélène naquit ; elle fut baptisée à l'église St-Sauveur le 22 août 1590 * (note personnelle, il s'agit d'une erreur de l'auteur, en réalité l'enfant baptisée se nommait Hélène de Beaumont, fille de Christophe et de Jacquemine de Tréal, sieur et dame de la Ville-Arnoul), cinq mois après la mort de son père, un peu plus de six mois après le départ de celui-ci pour rejoindre le prince de Dombes. Sa tutelle fut confiée naturellement à sa mère Anne de Guémadeuc, mais cette tutrice était bien jeune et bien belle encore pour ne pas susciter des convoitises. Un de ses soupirants,M. de la Vallée Plumaudan, tenta un enlèvement qui échoua et il fut décapité en effigie en 1592. Deux ans après, le 17 juillet 1594, elle épousa M. de la Marzelière, chevalier du roi et capitaine de 50 hommes d'armes, lequel fut tué en duel, le 9 mars 1604, par Montgommery, gouverneur de Pontorson. La mère d'Hélène, en convolant en secondes noces,perdait une partie de ses droits de tutelle. On lui adjoignit, le 31 mars 1595, le baron de Molac comme curateur. L'enfant avait alors 4 ans. Le marquis Tanguy de Rosmadec, baron de Molac, était, nous l'avons vu, oncle par alliance de l'enfant, ayant épousé Marguerite de Beaumanoir, soeur du premier lit de Toussaint. Le baron de Molac ne garda pas longtemps la curatelle; il fut remplacé, le 25 juin 1599, par Jean de Quellenec, le grand-père de Toussaint. Déjà le 16 janvier 1599, Hélène de Beaumanoir, qui n'avait alors que 8 ans 1/2, avait été fiancée, par contrat, avec René de Tournemine,baron de la Hunaudaye, fils de René Ier et de Marie de Coëtlogon. Le fiancé, dit on, n'avait que 16 ou 17 ans. Le mariage évidemment ne pouvait être consommé. Cependant le compte de tutelle fut rendu vers 1601 ; sans doute que dès ce moment la vie commune commença. Que pouvait être ce mariage d'une enfant de onze ans avec un jeune homme qui n'en avait pas vingt ? L'amour n'en pouvait être le lien. René chercha ailleurs des plaisirs plus faciles, et Hélène, dès qu'elle fut nubile, chercha de son côté aussi peut-être de quoi compenser l'abandon de son mari. De là des troubles terribles dans le ménage, troubles qui durèrent cinq ans. Cette guerre commença en 1604. Hélène, qui avait 14 ans, prétendit que son mari la battait. Elle s'enfuit dans son domaine du Pont où son mari vint l'assiéger. Elle implora le secours de son cousin le baron de Molac, gouverneur de Dinan, qui accourut; mais déjà la place était forcée, et Hélène était aux mains de son mari. Elle réclama la protection de Molac et s'enferma à Dinan sous la garde du gouverneur. Dinan, menacé d'un coup de main par Tournemine, fut obligé de s'entourer d'une garde permanente. Hélène intenta contre son mari une action en dissolution de mariage, et le Parlement ordonna que la jeune femme se retirerait à Rennes pour y être plus en sûreté. En 1606, le baron de la Hunaudaye se rencontra en campagne, près de Rhuys, avec M. Toussaint de Guémadeuc, un cousin d'Hélène. Les luttes de famille avait naturellement indisposé les deux cousins l'un contre l'autre. Une collision eut lieu; les serviteurs prirent fait et cause pour leurs maîtres ; M. de Guémadeuc fut tué dans le combat, et Tournemine reçut un coup de pistolet au genou et mourut en languissant en 1609. Toussaint de Guémadeuc, la victime précédente, fut inhumé à Québriac, dont il était le seigneur, le 4 décembre 1606. Hélène était donc débarrassée de son mari. Elle avait alors 19 ans et était sans enfants. Elle convola bientôt en secondes noces et épousa Charles de Cossé, marquis d'Acigné, frère du duc de Brissac.Le contrat de mariage eut lieu le 12 août 1609. Hélène ne fut pas plus heureuse avec ce nouvel époux volage et tracassier. Il se livra à une telle vie de folles prodigalités que le maréchal de Brissac, son frère, dut faire interdire les deux époux par arrêté du Parlement en 1615, pour éviter leur ruine commune. Malgré l'arrêt du Parlement, le marquis dépensait son argent en folies, et comme sa femme était un obstacle à ses débordements, il fit séquestrer Hélène dans un de ses châteaux. Il alla même, pour pouvoir se débarrasser de sa femme sans perdre ses droits à sa fortune, jusqu'à lui faire reconnaître un enfant supposé. Hélène parvint à faire prévenir le Roi de tous ces méfaits, et le marquis fut mis à la Bastille en août 1626. Hélène demanda l'annulation de son mariage, ce qu'elle obtint par arrêt du 25 janvier 1528. M. d'Acigné fut banni du royaume, condamné à 24 mille livres de dommages-intérêts, 12 mille livres d'amende et la confiscation du reste de ses biens. Hélène de Beaumanoir avait alors 38 ans. Elle était relativement jeune encore, mais ces luttes l'avaient usée et des infirmités précoces minaient sa vie. Elle s'enferma dans son manoir de Dinan qu'elle affectionnait tout particulièrement. Le 28 avril 1612, nous la voyons marraine à St-Sauveur au baptême de Tanneguy du Breil de Pontbriand dont Tanneguy de Rosmadec, gouverneur de Dinan, était le parrain. Nous la retrouvons encore marraine à St-Sauveur le 11 novembre 1631. Elle avait alors près d'elle une de ses nièces, Françoise de Guémadeuc, épouse de Messire François de Vignerot, marquis de Pontcourlay, à laquelle elle avait fait don d'une partie de ses biens par acte du 16 janvier 1629. Cette donation irrita les Rosmadec, qui se sentaient frustrés, et qui, après la mort d'Hélène, intentèrent un long procès aux Vignerot.

 

 

L'Hôtel Beaumanoir.

 

 

Vers la fin de sa vie, Hélène, qui avait fondé un couvent de Sainte-Catherine dans son propre manoir de Dinan, fit à ce couvent des legs importants et lui donna des maisons et des rentes. Puis, sa santé étant trop altérée, elle se retira au château de Limoëlan en Sévignac, qui était sa propriété, et y mourut d'hydropisie vers la fin de juillet 1636, à l'âge de 46 ans(voir la seigneurie de Limoëlan à Sévignac et ses possesseurs, page n° 1 & la seigneurie de Limoëlan et ses possesseurs, page n° 2) . Son corps fut apporté le 10 août à Dinan et inhumée dans la chapelle des Religieuses de Sainte-Catherinepar Mgr l'Évêque de St-Malo, Achille du Harlay. C'est pendant les luttes avec le marquis d'Acigné qu'Hélèn de Beaumanoir eut l'idée de créer le couvent des Catherinettes et de s'y enfermer. Elle ne pouvait agit elle-même puisqu'elle était en puissance de so mari ; elle employa deux filles d'Yvignac, Perronelle et Françoise d'Yvignac, la tante et la nièce, qui obtinrent de Mgr Le Gouverneur, évêque de Saint-Malo, l'autorisation, en date du 20 décembre 1625, d'ouvrir à leurs frais le dit couvent. Bien entendu que c'était Mme d'Acigné qui faisait tous ces frais ; déjà, par acte du 2 juin 1620, elle avait consigné 1000 fr. de rente pour le dit couvent où les deux demoiselles d'Ivignac se firent religieuses. Un peu plus tard des religieuses de l'ordre réformé de St-Dominique vinrent habiter l'hôtel Beaumanoir, de là le nom de Vieux Couvent, et elles y devinrent si nombreuses que la petite cour qu'on y voit encore et qui leur servait de cimetière, s'emplit de leurs tombes. Le grand-père du propriétaire actuel fit transporter au cimetière de Dinan toute une charretée d'ossements provenant de ces fouilles. Ce magnifique hôtel, admirable type (comme le château de la Garaye), de la première époque de la Renaissance, est fort intéressant à visiter. Le corps principal du logis possède une tour octogonale en avant-corps, percée de fenêtres rectangulaires à angles supérieurs arrondis et surmontées des élégantes accolades qui caractérisent la Renaissance. Partout, à l'intérieur, les pleins cintres des portes ont remplacé l'ogive du moyen âge, et un splendide escalier de pierres, tournant sa large spirale autour d'une colonne légère, monte aux étages avec ses 60 marches monumentales.Les appartements intérieurs ont été profondément modifiés, mais on y voit encore les étroits corridors et les petites cellules des religieuses. Ces cellules ne sont pas dans le corps de l'hôtel, mais dans un bâtiment latéral construit par Hélène elle-même pour servir de chapelle et où elle fut provisoirement enterrée. Dans l'hôtel on visite avec intérêt la cuisine avec sa large cheminée et les servitudes qui vont jusqu'à la rue du Jerzual où il y avait une sortie. Toute la place était enclose sur le devant, où s'ouvre encore le beau portail Renaissance avec son magnique fronton si richement ajouré surmontantun bel arc surbaissé du style Tudor.

Hélène de Beaumanoir, par P. de Lhommeau
Hélène de Beaumanoir, par P. de Lhommeau
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