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9 mars 2017 4 09 /03 /mars /2017 15:19

 

 

 

Marie de Limoges n’avait que trois ans à la mort de son père. Marguerite, sa mère, femme hautaine et ambitieuse, aussi implacable dans ses ressentiments que hardie dans l’exécution de ses desseins, fut chargée d’administrer la vicomté. Dans les grandes familles qui ont les privilèges de la naissance, du pouvoir souverain, il est rare que des tuteurs ambitieux ne profitent pas du titre que leur contère la loi, ou la volonté des mourants, pour s’approprier les droits dont ils ne devraient être que les défenseurs, ou que des passions ennemies ne viennent pas apporter le trouble dans l’État ou dans la famille. La veuve de Gui le Preux, impatiente d’imposer à tous l’autorité de sa fille, ne tarda pas à soulever contre ses prétentions la noblesse du Limousin, le clergé et le peuple et des droits politiques que la royauté lui avait reconnus. Cependant, pressée par les circonstances de remettre cette autorité à la jeune vicomtesse Marie de Limoges, dont la main avait été plusieurs fois sollicitée par les fils des plus grandes familles de France, elle la maria à Artur, comte de Richemont, fils Jean II, petit-fils de Jean 1er, duc de Bretagne. Ce mariage fut célébré en grande pompe dans la basilique de Saint Martin de Tours (ci-dessous).

 

 

Artur de Bretagne n’avait alors que treize ans; Marie, sa belle épouse, à la blonde chevelure, comme ses ancêtres de race germanique, en avait quinze. La vicomtesse mère vint les montrer avec orgueil au peuple limousin, heureuse des beaux jours qu’ils se promettaient, et des brillantes destinées que rêvait pour eux sa tendresse maternelle. Cependant, habituée à commander, cette femme altière ne leur remit pas immédiatement les rênes du pouvoir; c’est qu’elle avait encore à. combattre pour eux. La mort ne tarda pas à clore la carrière politique de cette femme toujours prête à combattre, toujours escortée d’une soldatesque docile à ses ordres, toujours inquiète du maintien des privilèges de sa race. La nouvelle de sa mort fut reçue avec joie par le peuple, par les vassaux de la vicomté, si longtemps humiliés par celle que ses contemporains appelaient la vicomtesse-reine, et que le peuple, qui conserve encore quelques souvenirs de ces temps, appelle encore Marguerite l'enragée. Elle avait administré la vicomté durant quatorze ans (1277). Avec des passions moins vives, une ambition plus juste, si elle avait eu à défendre un trône contre de grands dangers politiques, elle aurait pu être comparée à Blanche de Castille et à Marie Thérèse. Marie de Limoges et Artur de Bretagne prirent alors les rênes de l’administration; mais ils n’avaient ni l’un ni l’autre ce qu‘il fallait, dans cette époque troublée, pour maintenir leur fortune. Ils ne firent que l’amoindrir, pour payer le dévouement de ceux qui s’étaient faits si long temps les complices de l’ambition de leur mère. Ils donnèrent le château de Châlus, ce fleuron de la vicomté, où était tombé avant l’âge le plus grand ennemi de leurs ancêtres, à Gérard de Maumont, qui en prit possession à la tête de bandes armées, et qui en sortit ensuite pour étendre encore son autorité aux dépens de ses voisins. Artur de Bretagne, en attendant une meilleure occasion, s’était mis en possession de sa haute juridiction de justice, sans en faire préalablement hommage à l’abbé de Saint-Martial.

 

 

Château de Châlus

(document Wikipédia)

 

 

Le prélat, dès le début de cette usurpation, interdit le juge et le prévôt, ainsi que les sergents, confia la justice par commission à Guillaume, son neveu, qui à son tour investit des fonctions de juge le bourgeois Jean Glary. La vicomtesse et son mari parurent durant quelque temps se soumettre à cette humiliation, craignant cette fois l’intervention du roi de France qui, à son retour de Bordeaux, s’arrêta encore à Limoges. Les religieux de Saint-Martial allèrent à sa rencontre, le conduisirent processionnellement dans leur abbaye. Il paya cette hospitalité en adjugeant la justice à l’abbé par des lettres patentes que ses agents publièrent aussitôt dans toutes les rues de la ville. Artur et sa femme, loin de chercher à s’attirer les bonnes grâces du prince, n’étaient alors occupés qu’à refaire leur fortune aux dépens de quelques-uns des feudataires de la vicomté, en usurpant les privilèges jus qu’alors reconnus à ceux-ci sur leurs fiefs nobles. Tous ses efforts tendirent aussi à régler les différends qui divisaient souvent le clergé au sujet des Privilèges que se disputaient les églises. La vicomtesse de Limoges mourut sur ces entrefaites, onze ans après sa mère (1291), sans avoir pu imposer son autorité aux bourgeois, au clergé et aux barons du Limousin. Femme du monde, éloignée durant sa jeunesse, et même depuis son mariage, de toute participation aux affaires publiques, dominée par des goûts luxueux, qui énervaient les races féodales en les ruinent, elle passa ses dernières années tantôt à Limoges, ou dans les châteaux du Limousin, tantôt à la cour de Bretagne, dont le riche héritage était promis à son mari et à ses enfants, Jean, Gui et Pierre. Ses officiers, pour faciliter la perception des droits levés sur les marchands, avaient transporté sur la place de Saint Michel-des-Lions le marché aux fruits, du blé et des autres denrées qui, de tous temps, avait lieu dans un cloître près de Saint-Martial. Gérard Faydit, d’Uzerche, abbé de Saint Martial, ne fit aucune opposition à ce changement; par sa faiblesse et sa mauvaise gestion, il appauvrit beaucoup cette abbaye, dissipe ses biens, et laissa même les religieux man quer de vin depuis le jour de saint Lue jusqu’à Pâques, et ne leur fournit le bois, nécessaire au chauffage, que la veille de l’Annonciation de la Vierge‘. Artur de Bretagne, après la mort de sa femme, demeura dans la vicomté, jusqu’à ce qu’il fût appelé à régner en Bretagne par la mort de Jean Il, son père. Jusqu’à cette , époque (1305), il sut vivre en paix, n’ose rien entreprendre contre les barons du Limousin, ni contre l’évêque; il eut seulement quelques démêlés avec Gui de La Porte, abbé de Saint-Martial, qui, mécontent de ce qu’il n’était pas venu lui faire hommage après la mort de sa femme, fit saisir le Château de Limoges et la justice qui en dépendait (1300). Le Château de Limoges était groupé autour de l'antique abbaye de St-Martial. Déjà considérable au ixe siècle, il fut au commencement du siècle suivant ceint de murs et de fossés. Ces fortifications ayant été ruinées durant la guerre des Anglais, elles furent relevées à la fin du XIIe siècle sur un périmètre plus étendu. La première enceinte, d'après un manuscrit cité par Allou, comprenait l'abbaye de Saint-Martial et son cimetière jusqu'au pont Hérisson, joignant l'hôpital Saint-Martial (aujourd'hui l'hôtel des Monnaies), de là au portail Imbert où étaient les prisons ; puis allant à la porte Fustinie, près de Saint-Michel, derrière la maison du Breuil (aujourd'hui la Préfecture), à la place de la Motte, aux portes Poissonnière et Poulaillère et revenant à l'abbaye Saint-Martial. Dans la seconde enceinte, d'après un autre manuscrit, furent enfermés le quartier des Combes et les rues adjacentes, la place des Bancs, les rues Torte, Banléger, les Pousses, Manigne, Cruche d'or, Rafilhon, Boucherie et le quartier de Saint-Pierre du Queyroix. C'est à peu près l'enceinte de la ville actuelle. Il n'est pas douteux qu'il n'y eut eu jadis dans l'enceinte de ce castrum ou ville un château-fort, un édifice d'archi tecture militaire pour la protection des habitants. Allou conteste ce fait et le déclare d'autant moins admissible qu'il ne reste, dit-il, dans la ville actuelle, aucune trace de ce prétendu château, ni aucune tradition qui s'y rapporte. Cette opinion va à rencontre de toutes les données historiques. On ne trouverait pas d'exemple d'un castrum qui n'ait renfermé un château, un donjon, une forteresse quelconque. Il est possible que les ruines du château de Limoges aient disparu et que la tradition, au XIXe siècle, en ait entièrement perdu le souvenir, mais cette tradition était vivante au XVe siècle, elle résulte de documents écrits, et, comme nous le verrons tout à l'heure, elle servait de base à certaines prétentions du vicomte.

 

 

Sceau de Marguerite de Bourgogne, mère de Marie de Limoges ;

 monnaie en alliance Bretagne-Limousin

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