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20 février 2014 4 20 /02 /février /2014 07:56

L'insurrection royaliste de 1799 fut tout aussi grave que celles qui la précédèrent. Elle inquiéta fort le Gouvernement et, pour la réprimer, le Premier Consul dut envoyer des troupes nombreuses, aguerries, et un de ses meilleurs généraux. Le canton de Lamballe ne fut pas de ceux qui souffrirent le moins de ce réveil de la chouannerie. On peut dire que l'insurrection, un instant maîtresse des campagnes environnantes, alarma la population de Lamballe autant que le soulèvement de mars 1793 et les troubles de 1795, et qu'elle força les autorités à prendre de sérieuses mesures de défense, telles que la formation d'une colonne mobile, la construction de retranchement au centre de la ville et l'établissement de nouvelles barrières. C'est ce que nous avons pu voir en compulsant les registres municipaux de Lamballe (Registre des délibérations du Conseil général de la commune; Correspondance de la Municipalité). Aussi nous avons cru intéressant de faire le récit des événements dont notre malheureuse contrée fut alors le théâtre. La mort de Boishardy, qui privait le parti royaliste de l'un de ses chefs les plus énergiques et les plus entreprenants, fut le point de départ d'une période de tranquillité relative W qui dura à- peu- près jusqu'à fructidor, an V. On sait que le coup d'état du 18 fructidor, dirigé contre le royalisme alors grandissant, eut entre autres effets celui de faire remettre en vigueur les anciennes lois contre les prêtres réfractaires et les émigrés. Lamballe ne fut pas sans s'apercevoir quelque peu de ce changement de la politique gouvernementale. En effet, le 1er thermidor an VI, la municipalité, se conformant à une lettre des administrateurs des Côtes-du-Nord, s'assemblait secrètement et nommait six commissaires chargés de faire des visites domiciliaires chez plusieurs habitants de la, commune «qui professaient des sentiments opposés à ceux du vrai républicanisme». Le 18 frimaire an VII, elle faisait parvenir à l'administration départementale les noms de quelques personnes qu'elle croyait devoir être assujetties à un appel périodique. Quelques jours auparavant, elle avait écrit au citoyen Huot, percepteur et distributeur des «poudres à giboyer» de ne plus délivrer de poudre que sur les bons signés d'un agent ou d'un adjoint et visés par le commissaire du Directoire exécutif, cela «en raison des dangers dont le pays est menacé et qui obligent à prendre des mesures de prudence». La situation, en effet, devenait on ne peut plus mauvaise et la terreur régnait de nouveau dans les campagnes. Le second fut accueilli froidement par les populations. «On attribue cette morosité, écrit la Municipalité au Département, aux désarmements qui viennent d'avoir lieu et qui n'ont atteint pour ainsi dire que ceux qui s'étaient conformés à l'arrêté du 5 frimaire an VI». Quant à l'arrêté relatif aux clochers, il n'était guère applicable, les clochers du canton, sauf celui de Noyal, ne dominant pas la campagne. Mais ce qui donna des résultats appréciables, ce fut la formation à Lamballe d'une colonne mobile. Cette force, composée des jeunes gens en état de porter les armes, rétablit momentanément la sécurité dans les campagnes et prit part au combat de Lorges dont nous aurons bientôt occasion de parler. Les faits que nous venons de rapporter n'étaient que le prélude de graves événements. En effet, les chefs royalistes, jugeant alors les circonstances favorables, entrèrent en campagne et tentèrent contre plusieurs centres importants de hardis coups de main. C'est ainsi qu'en vendémiaire an VIII, le comte de Châtillon, à la tête d'environ 3.000 hommes, essaya de s'emparer de la grande ville de Nantes, et que, dans la nuit du 4 au 5 brumaire suivant, les bandes des Côtes-du-Nord, renforcées de celles du Morbihan, que commandait Lemercier, dit La Vendée, envahirent Saint-Brieuc qu'elles durent évacuer au point du jour. Ce serait sortir des limites de cette étude que de faire le récit de cet événement qui a été maintes fois raconté. Nous nous bornerons à citer un passage du compte rendu de l'Administration du canton de Lamballe à l'Administration du département des Côtes-du-Nord, passage qui dépeint assez bien l'état des esprits durant la journée du 5 et celles qui suivirent et qui expose clairement les dispositions que prirent la municipalité et les autorités militaires en vue de parer à une attaque éventuelle des chouans. «Le 5 à huit heures du matin, dit le rapport en question, le bruit se répandit sourdement que les chouans étaient à Port-Brieuc. Entre huit et neuf heures, le citoyen Comminet se rend à l'Administration et y donne lecture d'un billet du chef de cantonnement d'Yftiniac portant qu'en effet les chouans, au nombre d'environ huit cents, étaient entrés à Port-Brieuc vers les trois heures et demie. L'Administration n'hésite point à mettre toute la garde nationale sous les armes. Aussitôt l'assemblée est battue. La garnison et la garde mobile y sont mises sur-le-champ. Le commandant de la force armée et celui de la garde nationale se réunissent à l'Admin istration. Il est arrêté de placer des postes aux endroits les plus importants. Ils le sont aussitôt. On arrête également de pousser une reconnaissance à cheval du côté de Port-Brieuc, aussi loin qu'elle pourrait pénétrer. Elle part à l'instant. La troupe et la garde nationale sont placées sur le local dit du Château. Elles y attendent les ordres du commandant de place. Celui-ci reçoit un second billet du commandant d'Yfflniac qui l'assure qu'on se bat à Saint-Brieuc. A l'instant il ordonne à la compagnie de carabiniers et à la colonne mobile de partir. A l'instant, le pas accéléré est battu, le pas de charge lui succède et la troupe ne marche point, elle court au secours de Port-Brieuc. Il était midi. Le commandant de la place, considérant qu'il n'était pas en défense avec la garde nationale seulement contre 800 chouans s'ils faisaient une tentative sur Lamballe, ordonna aux cantonnements de Noyal et de Plestan de rentrer. Ils obéissent, et, à trois heures de l'après-midi, ils étaient arrivés. A cinq heures du soir, l'Administration ne recevant aucun avis sur la marche des brigands, aucune instruction de l'Administration centrale qui lui traçât ce qu'elle avait à faire, prend, de concert avec le commandant de la place, des mesures pour la sûreté de la ville. La garde nationale rentre, à l'exception de 50 hommes, dont partie est destinée à faire des patrouilles conjointement avec la troupe et .l'autre à monter la garde. On arrête que l'Administration restera en permanence et qu'un poste de 50 hommes sera établi au bureau de la Guerre. Tout se fait ainsi que cela est convenu. La nuit se passe tranquillement. La journée du 6 se passe également dans la tranquillité. -On attend des nouvelles certaines du funeste événement de la veille, mais en vain. Les patrouilles ont aussi lieu pendant la nuit. La permanence continue. Le 7, on apprend indirectement que les carabiniers du 1er bataillon de la 13e légère avec la colonne mobile de Lamballe avaient eu une affaire avec les chouans. A midi, le commissaire du Directoire exécutif près cette administration en reçoit la confirmation de son collègue près le Département. Le soir, une lettre du lieutenant de la colonne mobile au Commissaire du Directoire donnant quelques détails sur cette affaire. Un mouvement d'attendrissement a saisi les auditeurs à la lecture du  passage par lequel il donne le détail des blessés. La surveillance la plus active continue toujours le jour et la nuit... On a vu rentrer le 8 les carabiniers du 1er bataillon de la 13e légère et la colonne mobile du canton de Lamballe avec le plus vif attendrissement, et il n'est pas un citoyen qui n'ait témoigné ses regrets en voyant partir ces braves carabiniers. L'Administration ne terminera point ce rapport sans faire part aux administrateurs qu'elle a éprouvé les sentiments de la plus vive satisfaction en voyant l'empressement du plus grand nombre de ses concitoyens à concourir de toutes leurs forces à l'extermination des brigands s'ils osaient se présenter et que chacun a rempli son service avec la plus vive exactitude». L'affaire dont il a été question plus haut est la prise du château de Lorges. Après l'évacuation de Saint-Brieuc, les chouans, poursuivis par des gardes-nationaux de cette ville, par les carabiniers du capitaine Gomminet et la colonne mobile de Lamballe, s'étaient dirigés vers la forêt de Lorges, et, finalement, s'étaient arrêtés au château de ce nom, sot propre à la résistance. Les chouans ne surent pas en tirer parti. Ils se massèrent sur cette esplanade où ils étaient exposés aux balles des républicains qui tiraient abrités par des arbres. C'est alors que, pour les débusquer, ils eurent l'idée de faire usage d'une pièce d'artillerie qu'ils avaient amenée de Saint-Brieuc. Mais les coups mal dirigés portaient dans le haut des arbres et ne faisaient de mal à personne. On peut dire que l'emploi de ce canon hâta la défaite des chouans. Les républicains, en entendant tonner contre eux une de leurs pièces, ne se continrent plus, fondirent sur leurs adversaires qu'ils forcèrent à se réfugier dans les bâtiments du château. Là, ceux-ci tinrent pendant une heure, après quoi, jugeant la résistance impossible, ils prirent le parti de battre en retraite. Telle fut l'affaire de Lorges. La colonne mobile s'y comporta vaillamment. Plusieurs des jeunes gens qui en faisaient partie y furent blessés. Dans ses rapports sur cet engagement, l'Administration départementale négligea de mentionner la conduite de cette troupe. La Municipalité de Lamballe s'émut de ce silence assez extraordinaire en la circonstance et lui en exprima son mécontentement par la lettre suivante : «Citoyens administrateurs, Nous recevons votre lettre du 7 brumaire par laquelle vous nous faites part de l'événement arrivé au chef-lieu dans la nuit du 4 au 5. Nous ne pouvons, citoyens administrateurs, vous dissimuler notre mécontentement de ce que vous vous taisez dans tous vos rapports sur la conduite qu'a tenue la colonne mobile de cette commune. Il résulte de vos rapports qu'il n'y avait que la compagnie de carabiniers commandée par le capitaine Comminet à combattre les chouans. Cependant il suffit d'interroger chacun de ces carabiniers pour se convaincre de la conduite héroïque de la colonne mobile et de plusieurs autres jeunes gens de Lamballe partis volontairement, dans l'affaire du 6, à Lorges même. Les blessures honorables dont plusieurs de ces jeunes gens sont revenus couverts, au nombre desquels trois pouvaient se dispenser de marcher, attestent hautement qu'ils pouvaient être placés dans les rangs d'anciens et braves soldats. Nous vous prions donc, citoyens administrateurs, de faire établir exactement les faits. Informez-vous auprès du citoyen Comminet, auprès de toute la compagnie, si la colonne mobile de Lamballe mérite ce témoignage et nous nous en référons à votre répons» La Municipalité de Lamballe, justement préoccupée de préserver les habitants des dangers dont les menaçaient «les brigands qui entouraient le pays, arrêta dans la séance du 12 brumaire de faire appel à tous les citoyens pères de famille et aux jeunes gens en état de porter les armes et de former ainsi une compagnie de volontaires. Elle décida également, pour se ménager un point de retraite en cas de besoin, de fortifier l'intérieur de la ville. A cet effet, elle demanda des fonds au Département et, afin d'être pleinement renseignée sur les détails et le coût de ce travail, elle lui écrivit d'inviter l'ingénieur d'arrondissement d'en faire le devis. Dans une autre lettre, elle lui demandait l'autorisation de prendre les matériaux nécessaires dans les décombres des Augustins et de mettre à sa disposition une somme suffisante pour la construction de ces retranchements. La demande de la Municipalité était parfaitement fondée, car il devenait de plus en plus urgent de protéger la ville contre les incursions des chouans dont l'audace ne connaissait plus de bornes. En effet, le 27 nivôse, sur les neuf heures du soir, au nombre d'une dizaine, ils pénétrèrent dans la ville et frappèrent de trois coups de poignard la sentinelle en faction à la porte de l'Hôtel du Commerce, rue Saint-Lazare, en face le logement du chef de bataillon Knappes, commandant de place. Celle-ci, avant d'expirer, eut la force de crier aux armes ! ce qui en imposa à ses agresseurs qui se retirèrent par le chemin longeant la rivière. Le lendemain, l'Administration municipale fit publier l'ar rêté suivant : II est ordonné aux habitants de Lamballe d'illuminer leurs croisées à l'instant où le signal de quelque alerte serait donné. Il est ordonné dans ce cas aux femmes de rester chez elles- et de tenir leurs croisées allumées. Il est défendu à qui que ce soit de sortir sans lumière aussitôt après la retraite battue, c'est-à-dire après six heures du soir. Quelques jours après, les chouans simulèrent une attaque, à un petit quart de lieue de la ville, à l'endroit dit les Hauts-Champs. La garnison et la garde nationale prirent immédiatement les armes. On fit des sorties sur plusieurs points. Les chasseurs à cheval seuls les aperçurent. Dans la lettre qui rend compte à l'Administration centrale de cet événement, on peut lire ce qui suit : «Ne croyez pas que les discours que l'on débite sur le nombre des chouans nous épouvantent, mais ce qu'il y a de vrai, ce qu'il y a d'incontestable, c'est qu'ils nous entourent sur tous les points, c'est qu'ils sont à Plancoët depuis au moins quinze jours, c'est qu'ils sont à Jugon depuis au moins hier matin, c'est qu'ils arrêtèrent et pillèrent la malle-poste partant de Lamballe pour se rendre à Langouhëdre, à l'endroit de La Chapelle-aux-Chèvres, commune de Tramain, c'est qu'ils ravagent, pillent et mettent à contributions de tous côtés.» Cette lettre se terminait par une demande pressante de doublement de l'effectif de la garnison et par des doléances sur l'abandon et l'oubli dans lesquels l'Administration laissait la ville de Lamballe. 

L'invasion de Saint-Brieuc fut, dans nos contrées, le dernier effort de la chouannerie. L'envoi dans les départements de l'Ouest des généraux Brune et Hédouville avec des forces importantes, et l'arrêté du 8 nivôse an VIII ordonnant «dans le délai d'une décade la dissolution de tous les attroupements des insurgés et mettant hors de la constitution les communes qui resteraient en rébellion», arrêté bientôt suivi d'un autre qui portait que «toute commune qui donnera asile aux brigands serait traitée comme rebelle et que tous les habitants qui seraient pris les armes à la main seraient passés au fil de l'épée», devaient amener la fin de l'insurrection. On ne vit plus dans ce pays que quelques bandes peu nombreuses et composées d'hommes qui, après s'être rendus à l'autorité militaire, avaient repris les armes et parcouraient les campagnes en se livrant à toutes sortes d'excès. Un des plus redoutables de ceux-ci, Jean Tardivel, fut tué dans la nuit du 1er au 2 frimaire an IX. Voici dans quelles circonstances : Les gendarmes des brigades de Plancoët et de Matignon, passant près de la Guérivais, en Quintenic, voulurent faire viser leurs livrets par le fermier Favrel, adjoint au maire de cette commune. L'un d'entre eux, qu'ils avaient dépêché à cet effet, était à peine entré dans la maison d'habitation qu'un individu lui jetait un verre de cidre à la figure, puis déchargeait son arme sur lui. Le gendarme riposta par un coup de fusil. Ses compagnons, entendant les détonations, accoururent et furent aussitôt aux prises avec plusieurs brigands parmi lesquels était Tardivel. Ce dernier reçut dans la lutte un coup de feu dont il mourut quelques heures après. Son cadavre, apporté à Lamballe, dit M. Gornillet, fut placé et exposé debout aux yeux du public, près de la chapelle Sainte-Anne, et devint l'objet des railleries et des insultes de la populace. Dans le courant de nivôse de la même année, Barbé-Marbois, chargé d'une mission dans l'Ouest, passa à Lamballe. La Municipalité désirait vivement s'entretenir avec ce personnage important qui avait la confiance du Premier Consul, mais elle ne put le rencontrer à cause du trop court arrêt qu'il y fit. Elle lui adressa le 23 du même mois un rapport sur la situation du pays et dont voici les passages saillants : «Les généraux Hédouville et Brune ont fait la pacification des départements de l'Ouest, votre présence doit la consolider et rétablir pour toujours la tranquillité dans le territoire depuis bien des années en proie aux horreurs de la guerre civile... Depuis près d'un an notre pays commence à jouir de la tranquillité, tous les prétextes de la guerre civile sont détruits. Aussi ceux qui en paraissaient les plus partisans avouent-ils aujourd'hui leurs torts et seraient-ils les premiers à l'empêcher. L'Anglais soudoierait vainement quelques âmes vénales qui voudraient fonder leur fortune sur les ruines de leur patrie; il n'y parviendra pas et son or sera perdu. On ne se servira plus de la torche du fanatisme pour insurger les paisibles habitants de nos campagnes; ils voient qu'ils ont été trompés. Le Gouvernement leur prouve que ce n'est pas en vain que la Constitution leur assure la liberté des cultes. Il leur laisse la liberté d'exercer celui qui leur convient et ils n'y sont pas plus troublés que leurs ministres. Nous avons lieu de croire que ceux-ci se serviront de l'influence qu'ils peuvent avoir pour maintenir le calme. Si quelqu'uns (sic), en traînés par le fanatisme et l'esprit de parti, ont prêché une morale contraire, nous devons espérer qu'instruits par l'école du malheur, ils sont revenus de leurs écarts. Au surplus, si cela n'était pas, qu'on livre le perturbateur au glaive des lois; mais nous ne verrons plus de proscription en masse et l'innocent confondu avec le coupable. Nous ne pouvons pas nous dissimuler qu'il existe encore dans les environs quelques bandes isolées de brigands, mais on ne peut pas dire pour cela que le pays soit insurgé. L'expérience prouve que cela a toujours été ainsi après les guerres civiles. Une gendarmerie bien organisée serait seule suffisante pour les détruire dans ce département. On sent que des hommes immoraux qu'aucune espèce de parti ne dirigeait, qui ne s'étaient réunis aux insurgés que par l'amour du brigandage, ont de la peine à abandonner un métier qui leur procurait une vie plus aisée, mais il faut les intimider par les effets de la vengeance nationale, et que le supplice qui les attend soit aussi prompt que sévère. Les bons citoyens s'empresseront sans doute de donner tous les éclaircissements qui dépendront d'eux pour indiquer le repaire de pareils scélérats. Déjà on a fait justice de plusieurs et le nombre en est bien diminué en ce pays. Nous savons que les hommes qui ne respirent que l'anarchie et voient avec douleur l'ordre se rétablir cherchent à faire considérer ces bandes isolées comme des rassemblements considérables et présentent nos départements comme insurgés afin d'engager le Gouvernement à prendre des mesures et qui regardent qu'il n'y a plus de sûreté quand ils ont ouï dire qu'il existe sur une route trois ou quatre hommes armés. Nous sommes persuadés, citoyen, que vous ne vous laisserez pas influencer par de pareils hommes, qu'en parcourant lés départements de l'Ouest vous reconnaîtrez que la grande majorité de ses habitants sont sincèrement attachés au régime actuel et en veulent le maintien, que presque tous ceux même qui ont été égarés sont revenus de leurs erreurs et s'armeraient pour repousser ceux qui voudraient le renverser. Nous espérons donc que vous ferez un rapport favorable au Premier Consul sur la situation de nos contrées, que vous serez notre interprète auprès de lui pour lui témoigner la douleur que nous avons éprouvée quand nous avons appris l'attentat commis contre sa personne et que nous nous réunissons à tous les vrais amis de la République pour demander que les auteurs d'un pareil crime soient punis. Nous espérons aussi que vous contribuerez à nous faire sortir de l'état de siège et de guerre, ainsi qu'à nous faire jouir des bienfaits de la Révolution du dix-huit brumaire. Nous formerons de plus en plus des voeux pour le maintien du Gouvernement. Vous acquérerez par là un titre à la reconnaissance nationale et à la nôtre en particulier. Vive la République ! Vive le Gouvernement qui la conduit et Vivent les Commissaires envoyés par lui ! » Le voyage de Barbé-Marbois dans les départements de l'Ouest eut pour résultat de décider le Gouvernement à en finir promptement avec le brigandage. En effet, à la date du 18 floréal de la même année, les Consuls prirent un arrêté prescrivant au général commandant l'armée de l'Ouest la formation de trois colonnes d'éclaireurs pour poursuivre les brigands qui désolaient la 13e division militaire. Chacune de ces colonnes était accompagnée d'une commission militaire chargée de juger sur-le-champ les brigands pris les armes à la main. Le même jour, Fouché, ministre de la police générale, écrivait ce qui suit aux préfets des départements de l'Ouest :  « Le Gouvernement ne fait plus aujourd'hui aucune différence entre vos départements et ceux des autres parties de la France; tous, réunis à la gloire et à la prospérité de la République, ne comptent plus qu'un petit nombre de brigands qu'il faut détruire. Tout acte de soumission que ces brigands offriront de faire ne doit pas être accepté. Les agents civils et militaires qui les accepteraient seraient coupables envers la souveraineté nationale. Les brigands qui sont aujourd'hui les armes à la main dans les départements du Morbihan et des Côtes-du-Nord doivent périr sur l'échafaud, il n'y a pour eux aucune amnistie à attendre. » Ces mesures sévères portèrent leurs fruits. Le brigandage fut anéanti et le pays recouvra le calme et la sécurité qui lui manquaient depuis longtemps. Quelques mois plus tard furent signés à Londres les préliminaires de la paix entre la France et l'Angleterre. La nouvelle de ce grand événement qui marquait non seulement la fin de la guerre étrangère, mais aussi celle de nos déchirements intérieurs, fut accueillie par les Lamballais avec une vive satisfaction et fut l'occasion d'une fête à laquelle la Municipalité donna le plus d'éclat possible. Le 18 brumaire an X en effet, fut chanté, dans l'église Saint- Jean, un Te Deum auquel furent invités les prêtres insermentés qui, rentrés depuis quelques mois, avaient fait à la mairie une déclaration d'élection de domicile à Lamballe. Le soir, il y eut un feu de joie et illumination de l'autel de la patrie.

 

Appendice

 

Nous faisons suivre ce travail d'une note sur la vie économique à Lamballe durant la chouannerie. Les registres municipaux nous donnent à ce sujet d'assez nombreux renseignements dont quelques-uns ne sont peut-être pas dénués d'intérêt. Nous allons essayer d'en tirer parti. Dès le commencement des troubles les paysans, terrorisés par les chouans, n'osant plus apporter leurs denrées à la ville, l'approvisionnement devint la grande préoccupation de la Municipalité. «Tous nos efforts, écrit cette dernière au District le 12 pluviôse an III, doivent tendre à ranimer la confiance du laboureur et à procurer par ce moyen le retour et l'abondance dans nos marchés. Malheureusement nous sommes très éloignés d'être satisfaits sur cet article. Néanmoins, comme le moyen que vous voulez nous proposer d'envoyer chercher des bleds avec la force armée a des inconvénients incalculables, nous vous prions de ne pas l'employer pour le marché prochain, mais vous nous rendrez un vrai service en faisant des réquisitions assez multipliées pour que nous puissions espérer qu'il vienne des bleds au marché, car nos ressources sont extrêmement faibles». Dans une autre lettre à la date du 15 du même mois et adressée au représentant, elle exprime ses craintes de voir les vivres manquer et prie instamment celui-ci de lui venir en aide.  « Nous nous adressons à toi avec confiance pour que, rendu à Paris, tu nous fasses parvenir de Lorient ou d'ailleurs des denrées de première nécessité comme de la morue et du fromage. Tu sens que si l'insurrection devient générale autour de nous, comme nous avons lieu de le craindre, nous n'aurons plus d'autres ressources que celle-là, n'ayant presque plus de bled dans la commune ». Si le blé était rare et d'un prix élevé, la viande n'était pas abondante et comme qualité laissait à désirer. En prairial suivant, il n'y avait presque jamais de boeuf dans les boucheries. On n'y trouvait que de mauvaise viande de vache. La livre de vache, veau et mouton, l'une dans l'autre, coûtait, prix courant, 13 sols et la livre de porc 16 sols. Pour être juste, il convient de dire qu'il n'y avait pas que les chouans qui apportassent des entraves à la circulation et à la vente des denrées. Le 27 germinal, dans une lettre au commandant de la force armée, la Municipalité se plaint que des malveillants, au nombre desquels sont plusieurs volontaires, notamment un grenadier du bataillon qu'il commande  «se permettent de perdre (sic) les subsistances de première nécessité que les laboureurs apportent, ce qui réduit  sensiblement à chaque marché le nombre de ceux qui alimentent la ville». Le grenadier en question avait blessé une femme au genou et à la bouche. Celle-ci fut indemnisée de la valeur de sa marchandise.  «Eut-elle eu tort, dit l'auteur de cette lettre, le grenadier ne devait pas se permettre des voies de fait vis-à-vis d'une femme âgée ». Ce qui, en ces temps difficiles, contrariait singulièrement les transactions, c'était l'avilissement du papier-monnaie. Les assignats étaient à ce point discrédités que l'administration municipale n'osait se procurer des collaborateurs  «n'ayant d'autres ressources pour tes salarier ». La mauvaise répartition des impôts contribuait aussi à la gêne de la population. Témoin cette lettre de la Municipalité au citoyen Delaporte, membre du Conseil des Cinq-Cents, lettre datée du 18 floréal an V et que nous reproduisons à peu près en entier : ... Ce qui dans ce moment nous affecte le plus douloureusement, c'est la contrainte où nous sommes de faire prendre des patentes à une foule d'artisans qui manquent de pain, mais encore de les faire condamner à l'amende. Les instructions des régisseurs de l'Enregistrement aggravent encore le mal par des explications qui nous paraissent forcées. Par exemple les différentes lois sur les patentes n'y assujettissent pas nomément les maçons; eh bien! les instructions des régisseurs les assimilent aux entrepreneurs de bâtiments compris dans la seconde classe tandis qu'il nous paraîtrait plus naturel de les assimiler aux tailleurs de pierre qui  gagnent davantage et qui se trouvent dans la septième; ils exigent également que les fourniers soient assimilés aux boulangers. Ce pendant les fourniers dans le pays, comme vous savez, sont les fermiers et ils nous paraîtraient ne devoir être assujettis qu'autant qu'ils seraient véritablement boulangers en vendant du pain. La même instruction exige que toutes les lingères qui vont travailler à la journée chez des particuliers payent également une patente des ouvrières à 3 sous par jour. Prenez, citoyen représentant, connaissance de cette instruction qui paraît forcer la loi et qui, d'ailleurs, ne nous a pas été adressée, mais qui vient seulement de nous être communiquée par le receveur de l'Enregistrement. Vous connaissez tous nos habitants et vous savez que leur travail ne suffit pas pour les faire vivre; nos couvreurs, nos cordonniers et bien d'autres sont dans une indigence absolue; et nos législateurs n'envisagent peut être pas assez les différentes localités de la République, car ils ont distingué différentes classes pour les patentes à raison de la population ; ils auraient pu justement et également reconnaître une différence énorme dans le produit de l'industrie. Peut-on par exemple comparer nos tonneliers, nos charrons, etc., aux tonneliers et charrons des autres pays. Nos tonneliers ne travaillent pas trois mois de l'année et seulement lors de la façon des cidres, etc. On devrait d'ailleurs considérer que notre pays a été dévasté par tous les fléaux, le chouanage, la récolte presque nulle de l'an dernier et notre misérable cité en particulier épuisée par le passage des troupes, etc. »  Comme on le voit, l'Administration municipale de Lamballe ne demeurait pas indifférente aux souffrances du pays. Elle avait le plus grand désir de le tirer du découragement dans lequel Pavaient plongé «les troubles», et «qui tenait les habitants de la campagne dans la plus grande stupeur ». A cet effet, elle sollicita l'installation à Lamballe de deux des établissements créés par la loi du 3 brumaire an IV, à savoir : une école d'Economie rurale et une école d'Art vétérinaire. La lettre qu'elle adressa à ce sujet au Conseil des Cinq-Cents, le 4 pluviôse de la même année, est un exposé clair et précis des raisons qui militaient en faveur du choix de cette ville ». Vu sa longueur, nous n'en donnons que ce court extrait : « Six grandes routes aboutissent à Lamballe et correspondent avec Saint-Malo, Dinan, Rennes, Lorient, Brest et le port de Dahouet et lui occasionnent des passages de troupes presque journaliers, outre une garnison habituelle. Environnée de pâtu rages abondans et d'un terrain fertile qui ne demandent dans ses cultivateurs que plus de lumières pour le devenir davantage, les Ecoles spéciales d'Art vétérinaire et d'Economie rurale établies dans son sein revivifieraient à coup sûr l'industrie et ramèneraient dans peu l'abondance. La fabrique des parchemins et des cuirs et des grosses étoffes de laine connues sous le nom de «frises »faisaient autrefois les branches d'un commerce utile. Le Gouvernement employait même les «frises» avec succès pour la marine. Les laines du pays sont excellentes et le seraient au plus haut degré si elles étaient mieux manuténées et les moutons mieux soignés. Le territoire est susceptible de toutes les cultures et les terrains encore incultes n'attendent que des bras dirigés par plus d'instruction pour devenir fertiles. On connaît la qualité des grain que son territoire fournit, mais comme on l'a dit toutes les cultures lui sont propres, lin, chanvre, prairies artificielles, pommes de terre, etc.» des raisons qui militaient en faveur du choix de cette ville».

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