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6 mars 2014 4 06 /03 /mars /2014 19:07

 

En 858, devant la menace des raids normands, des moines de l'Abbaye Saint-Sauveur de Redon se réfugièrent dans la résidence du roi Salomon et y fondèrent un monastère. Son église, après le retour des moines à Redon au milieu du Xe siècle devient le chef-lieu de la paroisse de Maxent. Les fouilles archéologiques menées en 1991 et en 1992 ont mis à jour les vestiges de l'édifice carolingien transformé entre le XVe et le XVIIe siècle, puis remplacé par l'église actuelle consacrée en 1897 et due à l'architecte Arthur Regnault (traces de l'édifice carolingien ci dessous, idem plan ancienne église et dessin de cet ancien édifice)

 

 

Souligné d'une étoile rouge le lieu dit Penée

Le Poutrocoët, cette ancienne contrée bretonne englobait l'actuelle forêt de Paimpont (voir Etude sur le Poutrocouët, page n° 1). Déjà au cours du VIIe sièce, les souverains de Domnonée avaient établis leur campement en ce même terroir, aux abords du Meu, tantôt à Gaël, tantôt à Talensac. Comme nous l'avons vu à travers les pages consacrées à Nominoë, la Bretagne affirma sa suprêmacie dès la première partie du IXe siècle, vis à vis de l'empire carolingien qui en reconnu son indépendance mais également vis à vis de la Papauté. Le monastère de Redon fondé l'an 832 par Conwion se retrouva sous la menace des raids Scandinaves -Normands, et dès lors ce saint fondateur se tourna vers Salomon afin de trouver protection contre cette menace. Salomon, dont le père Riwallon, est cité comte de Poher en 844, était aussi le neveu de Nominoë. C'est en assassinant son cousin Erispoë en 857 qu'il s'empara du trône royal breton. Il tenait des terres en cette contrée du Poutrocoët dite aussi Pagus Trans Sylvam ou Pays au delà de la forêt, en la paroisse de Plelan le Grand, proche de Paimpont, Salomon répondit favorablement à la requête de l'Abbé de Redon et le 6 mars 863, près de Sriou où ledit souverain tenait sa résidence, l'abbaye de Redon obtint plusieurs terres : le randremes de Lanleuthei, le tigran de Jarnuuocon. Déjà quelques années plus tôt, afin d'obtenir la guérison de Salomon, Conwion avait reçu Rancaruuan à Bene en Plelan. Philippe Guigon à travers un ouvrage consacré à l'ancienne église de Maxent, considère que l'endroit désigné Bene pourrait être l'actuel village de Penée, lieu limitrophe entre Plelan et Maxent, quant à Lanleuthei, il pourrait s'agir de cette portion résultant du démantèlement de Plelan le Grand et devenu paroisse de Maxent.

 

Proche de Sriou fut fondé par Salomon un monastère dédicacé à Saint Sauveur afin d'y abriter la colonie monastique de Redon qui y trouva là protection, à l'ombre du domaine royal et de cette région forestière. La nouvelle paroisse de Sanctus Maxentius ainsi mentionnée en 866, dépendait du diocèse de Alet puis de Saint Malo et fut rattachée à l'archidiaconé de Porhoët et au doyenné de Beignon, puis à l'archidiaconé de Rennes et au doyenné de Plelan. La présence de la relique, et les Bénédictins rebaptisèrent l'endroit Saint Maxent. Peut être quand cette relique fut restituée aux Poitevins. C'est en l'église conventuelle de Maxent bâtie en 866 que furent inhumés le roi Salomon, son épouse Wembrit, et selon certaines sources Conwion. Guillotin de Corson évoque l'endroit à travers son ouvrage Pouillé historique de Rennes, et affirme … : «  de ces constructions primitives il reste une partie du choeur du déambulatoire qui l'entoure et de la chapelle absidiale. L'édifice se compose par ailleurs d'une nef accompagnée d'un seul collatéral au Sud, de deux chapelles et d'une tour au Nord. Le choeur terminé par un chevet droit, est entouré de son déambulatoire, sorte de galerie à demi enfouie dans le sol et dont la partie méridionale a disparu pour faire place à une sacristie. Cette galerie, très basse, est voûtée en pierre et percée de quelques fenêtres très étroites et cintrées qui ne laissent pénétrer qu'un faible jour. On y descend par une petite porte placée à côté de l'autel du transept septentrional, et l'on voir une autre porte près de la sacristie, percée obliquement dans le mur, par laquelle on pouvait entrer dans le choeur après en avoir fait le tour . » Tout dans cette partie de l'église , dit M. Vatard, annonce l'antiquité la plus reculée. « Tout est lourd, massif et sans ornement. On croit que ces dans ces caveaux que reposaient les corps de Salomon, de la reine Guembret et de saint Convoyon. Les reliques de celui ci furent portées à Redon quand les moines y rentrèrent. On ne sait si le corps de Salomon, honoré comme saint par les Bretons, fut également transféré à Redon, mais son tombeau et celui de la reine sa femme ont disparu. »


 

 

 

L'ancienne église de Maxent disparue en 1897

 

L'église de Maxent devint sépulture pour Wembrit quand celle ci trépassa, le roi Salomon se rendit au monastère de Saint Sauveur le 13 juillet 866, puis le 12 août de cette même année, un acte extrait du Cartulaire de Redon précise que la souveraine y reposait. Salomon la rejoignit après son assassinat survenu le 28 juin 874. Pourtant, l'endroit devait perdre de son importance, les moines finirent par retourner en l'abbaye de Redon après que la menace normande cessa. L'édifice présentait plusieurs traces de modifications, remaniements datant des Xe, XVe, XVIe & XVIIe siècle, mais lorsque le chanoine Guillotin de Corson lui consacrait quelques lignes, il précisait : présentement cette intéressante galerie est abandonnée et sert de décharge, en attendant qu'on vienne renverser ce qui reste de l'édifice bâti par Salomon, sanctifié par saint Convoyon et enrichi d'une si prodigieuse quantité de reliques au IXe siècle ! et de conclure : on se propose de bâtir une église neuve sur les ruines de ce vénérable monument. La démolition de ce vénérable édifice eut lieu en 1897

 

 

 

 

 

En bleu le choeur du IXe siècle, en rouge : restitution des structures du IXe siècle, en marron socle de la statue de 1901

Deux campagnes de fouilles entreprises en 1991 et 1992 sous la direction de Philippe Guigon ont permis de mettre à jour les structures de l'ancienne église du monastère.

 

 

 

 

 

Vue aérienne du chantier de fouilles d'après cliché de M.Gautier

 

 

 

 

Absidioles et déambulatoire

 

 

 

 

Les moules à cloches


 

Extrait des fouilles entreprises par P.Guigo

Charte de Fondation du monastère de Salomon, situé a Plelan

La Petite-Bretagne a eu des rois, n'en déplaise aux historiens français et à leurs partisans. Les Bretons ont été chrétiens plusieurs siècles avant les Francs. Ils ont Occupé l'Armorique, maintenant la Petite-Bretagne, avant que les Francs eussent formé leur établissement dans les Gaules. Salomon, le troisième du nom, et dernier roi de Bretagne, a régné de 857 à 874; c'est lui qui a fondé le couvent dont il est question. Voici la traduction et non le mot à mot de cette dotation. Nous l'avons extrait du cartulaire de Redon :

« Au nom de la Sainte et indivisible Trinité, Salomon, par la grâce de Dieu, prince de toute la Bretagne et d'une grande partie des Gaules, Qu'il parvienne à la connaissance de tous les évêques, de tous les prêtres, de tout le clergé, de tous les comtes, des très-nobles chefs, des très-vaillants soldats et de tous ceux qui sont soumis à notre puissance en Bretagne, que le révérend Ritcand, abbé de Redon, accompagné de quelques-uns de ses moines, portant cependant avec lui la pétition de tous les autres moines, est venu se présenter devant nous, dans mon monastère qui est en Plélan où j'avais un palais dans lequel je tenais ma cour. Les Normands portant la dévastation dans l'abbaye de Redon, l'abbé Convoion muni de la prière de ses frères, vint à plusieurs reprises nous demander, pour lui et les 6iens, un refuge contre ce peuple. Il s'adressa donc à nous et à Guenvret notre vénérable épouse. Nous lui octroyâmes sa demande en lui donnant non seulement notre susdit palais, mais encore en lui faisant construire dans le même lieu, de nos fonds publics, un couvent honorable à la gloire de saint Sauveur, pour servir d'asile aux susdits religieux et mériter l'héritage céleste, racheter nos âmes, afin d'obtenir la prospérité présente et perpétuelle de notre race et la stabilité ferme et paisible de tout notre royaume ainsi que de la totalité de nos fidèles sujets. Nous voulûmes que ce lieu fût nommé le Monastère de Salomon. Dans l'église de cette communauté a été enterré le corps du très-révérend abbé Convoion. Là repose aussi Guenvret, notre vénérable épouse, qui y a reçu une sépulture digne. Si la très-pieuse clémence de Dieu daigne me le permettre, j'ai choisi avec l'avis des nobles, tant prêtres que laïcs de la Bretagne, cet endroit pour y être inhumé. En faveur de l'accroissement de la fidélité et de la paix dans tous mes États, j'ai fait placer en ce lieu le corps de saint Maxenl qui est le regret de l'Aquitaine, la lumière, la louange et l'honneur de la Bretagne. Par un événement extraordinaire, ce présent de Dieu inappréciable nous a été transmis il y a déjà quelque temps. Je suis venu à Plélan pour prier saint Sauveur et le vénérable saint Maxent, le 16 des calendes de mai, jour de la Résurrection de Notre Sauveur, et j'ai offert avec ma personne, autant qu'il m'a plu, quelques dons tirés de notre trésor, pour le règne de Dieu, la rédemption de notre âme et la stabilité de notre royaume. Je les ai donnés à saint Sauveur, à saint Maxent et aux susdits moines. Voici ces présents : un calice d'or affiné, merveilleusement travaillé, orné de trois cent treize pierres précieuses pesant dix livres et un solide, avec sa patène d'or ornée de cent quarante-cinq pierres précieuses du poids de sept livres et demie; un texte des Évangiles, avec un écrin d'or admirablement fabriqué d'une pesanteur de cinq livres, orné de cent vingt diamants ; une grande croix d'une façon surprenante, du poids de vingt-trois livres et enrichie de trois cent soixante-dix pierres d'un très-grand prix ; un écrin en ivoire d'Inde, merveilleusement sculpté ( et ce qui a plus de prix que tout cela) rempli des reliques de saints d'une très-grande renommée ; une chasuble couverte d'or à l'extérieur par intervalles, que mon compère le très-pieux roi Charles m'a envoyée comme un grand présent. Un voile vaste pour couvrir le corps de saint Maxent est le comble du merveilleux. Cependant, par la Providence de Dieu et par la vertu de saint Maxent, son Évangile, revêtu d'ivoire de Paros et couvert d'or, fut envoyé en Bretagne avant lui ; également aussi un livre des sacrements recouvert d'ivoire d'Inde qui lui avait appartenu ; un autre livre orné en dedans et en dehors d'argent et d'or, contenant la vie de saint Maxent en prose et en vers ainsi que celle de saint Léger, martyr. Excepté les autres présents que j'avais fait auparavant, c'est-à-dire un autel orné d'argent et d'or ; une croix argentée d'un cété et de l'autre une image du Sauveur garnie d'or fin et de pierres précieuses ; une autre croix plus petite aussi couverte d'or et de diamants ; deux vêtements sacerdotaux faits de pourpre d'un très-grand prix ; et enfin trois cloches d'une admirable grandeur. Ce même jour, c'est-à-dire le jour de Pâques, le susdit abbé Ritcand venant avec ses moines, nous demanda que tous les présents faits par nous et nos prédécesseurs, c'est-à-dire Nominoë et Érispoë, ainsi que ceux de mes bons et nobles hommes qui ont donné chacun selon leurs moyens, et donneront dans la suite à Saint-Sauveur, aux moines des monastères de Redon et de Plélan, qui font le service de Dieu suivant la règle de saint Benoit, nous daignions les recevoir sous notre protection royale, et que pour cela nous serions fait participant, sans exception, dans toutes les aumônes. »

Il demanda, en outre, que tous les hommes serfs ou libres, demeurant sur leurs terres, toutes les prairies, forêts et eaux que l'abbaye de Saint-Sauveur recevait dans notre domaine, nous les leur accordions pour récompense au centuple de la vie éternelle. Favorisant leur pétition, avec l'avis de nos nobles, nous leur remettons tout et entièrement ce que l'abbaye devait à moi et à mes hommes, tant pour la nourriture des chevaux et des chiens que des corvées et de toute redevance, en Considération du règne de Dieu, afin d'obtenir la rédemption de mon âme et celle de mes parents, dé mes fils, et enfin la stabilité du royaume de Bretagne. Je donne aussi et transmets de mon domaine en leur pouvoir tout ce qui ensuite était perçu en faveur de notre utilité, pour servir aux usages et appointements des frères, et que les moines aient plus de plaisir à prier la miséricorde divine avec joie et dévotion en échange de notre salut et de celui du peuple chrétien. Et pour qu'à dater de ce jouir personne ne présume les inquiéter sur cette affaire, nous interdisons, statuons et ordonnons que, dans le temps présent et à venir, toute cause ou plainte n'ayant pas été agitée pendant la vie de l'abbé Convoion, touchant leurs biens amortis, pour ou contre leurs hommes, ne soit jamais agitée. Nous ordonnons également que leurs habitants exerçant le négoce sur terre, sur mer ou les fleuves, soient exempts de tous droits de passage, impôts et contribution quelconque; mais que le tout profite à l'avantage et pour l'utilité des susdits moines. Ceci a été fait dans le canton nommé, au-delà de la forêt, chez le peuple appelé Laan, dans le monastère de Salomon, le 15 des calendes de mai, première férié, lune première, indiction deuxième, année de l'Incarnation du Seigneur 869. Signé ; Salomon, prince de toute la Bretagne, donateur, et qui a fait confirmer ce présent. Les témoins sont : l'abbé Ritcand qui a reçu la donation ; Rivallon etGuegon, fils dudit Salomon ; Ratuili, évèque d'Aleth ; Pascueten ; Bran ; Nominoë, fils de Bodwan ; Roënvallon, fils de Bescan ; Drehoiarn ; Jarnuocon, son fils ; Ratfred ; Tanetherth ; Hinwalard ; Catbworet ; Hitruiarn ; Sider; Tretien ; Eenmarboc; Guethenoc ; Arvidoë ; Saluden ; Htrehewedoë ; Hidran ; Gleudalan ; Koledoc; Batanau ; Arthnou ; Eucan ; Woran ; Gleuchourant ; Roënvallon,,abbé; Ludoccar, prêtre; Bili, clerc; Convoion, clerc; Haëlican, prêtre; Egreval, prêtre; Ricart, prêtre

Le Monastère de Saint Sauveur en Maxent

Sur le placître de l'église de Saint-Sauveur en Maxens, on découvre encore les traces de l'ancien monastère où repose le roi Salomon de Bretagne.

Le Monastère de Saint Sauveur en Maxent
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