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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 12:56
Nécropoles et sarcophages du Haut Moyen Âge en Bretagne par Philippe Guigon, Jean Pierre Bardel et Michaël Batt

   

  sarcophage provenant de l'église Saint Similien à Nantes  

Nous avons abordé au cours de ces dernières pages ces personnages, réels ou mythiques liés à l'histoire de la Bretagne. Difficile cependant d'évoquer avec certitude les lieux où ils furent inhumés. Des études révélant la présence de sarcophages pourraient compléter cette rubrique, sans pour autant attester qu'il s'agissait de sépultures liés à d'éminents princes. Cependant, les évangélistes, les machtierns et tous ceux qui ont contribué à écrire les pages de notre Histoire ont reçus des sépulture dignes de leurs rangs. Antérieurement pour évoquer le pays Broonais, il a été mention du monument découvert lors de la démolition de l'ancienne église de Broons, Idem avec ces deux sarcophages découverts lors de la démolition de l'église Sainte-Urielle près de Trédias, sans oublier celui visible en l'église d'Yvignac. Au siècle dernier, L. Maitre (1896), fouillant à l'intérieur de l'église Saint-Similien de Nantes indique que : «Le mobilier funéraire recueilli autour des squelettes est à peu près nul et pourtant plus de cent tombes ont été ouvertes». De Villebois-Mareuil (1911), «vit apparaître une agrafe en bronze, une boucle avec son ardillon, une fibule également en bronze et un morceau de fer à peu près informe» après la mise au jour de 28 tombes stériles dans un cimetière de campagne du Segré. Les sarcophages décorés, souvent de grande taille, constituent une catégorie particulière. Le décor le plus courant est constitué d'une croix à triple traverse ; c'est celui qui orne la grande majorité des couvercles recueillis au Musée Dobrée à Nantes ou dans l'ancien musée lapidaire Toussaint à Angers. Ces croix sont observées tant sur des supports quasi rectangulaires. Extrait de les Nécropoles à sarcophage... de Daniel Prigent et Emile Bernard. Nous poursuivrons cette étude à travers les écrits de Philippe Guigon, Jean Pierre Bardel et Michaël Batt : Nécropoles et sarcophages du Haut Moyen Âge en Bretagne; En préalable à cette étude, il est bon de définir ses limites spacio-temporelles, ainsi que ce que l'on entend par le terme "nécropole". La Bretagne du haut Moyen Age ne forme pas encore une entité clairement délimitée puisque c'est l'époque de la genèse de la province, plus tard comprise comme les cinq départements. La Loire-Atlantique, du moins la part ie au nord de la Loire, est intégrée dans le présent article, recoupant partiellement celui de D. Prigent et E. Bernard (1985). De même, les limites orientales de la péninsule seront les pays nantais et rennais, incorporés seulement à l'époque carolingienne dans le giron breton. Le terme "haut Moyen Age" permet d'introduire l'étude des modes funéraires de l'Antiquité tardive (Galliou, 1981), qui déterminent pendant de longs siècles une partie des coutumes de la province, notamment par l'utilisation du sarcophage ; les influences diverses et lointaines qui s'exercent sur la Bretagne se révèlent déjà, par l'arrivée de nouveaux occupants, Saxons, Lètes francs, Bretons. Le terminus posî quem ne peut être défini avec précision, car au delà des phénomènes de mode, les modifications des habitudes funéraires s'effectuent extrêmement lentement, dans le cadre de la longue durée. Néanmoins, il semble que l'apparition des cimetières qui n'utilisent plus majoritairement des sarcophages, en conservant l'usage des coffres en ardoise conjointement avec les tombes maçonnées et les fosses en pleine terre, doive marquer une limite qui se situe aux environs du Xlème siècle. A cette époque, quel ques chartes (Beauchesne, 1935 ; Guillotel, 1972 -1974) ou chansons de geste mentionnent ces nécropoles différentes de grands ensembles connus auparavant et qualifiés habituellement de "mérovingiens". Le même problème de limite se pose pour définir le terme "nécropole". L'imprécision des relations des découvertes anciennes empêche la plupart du temps de connaître le nombre des tombes mises au jour ; de prime abord, la majorité des sites à concentration de tombes reconnus en Bretagne se situe dans sa partie orientale, de manière plus sporadique vers l'ouest. Ce contraste trahit probablement, outre l'état actuel de nos connaissances, la disparité des coutumes et du peuplement.  dota de contingents étrangers affectés à la surveillance côtière, en particulier de lètes d'origine franque. Il a été proposé d'attribuer à ces militaires certaines sépultures à inhumations découvertes notamment à Guer et à Pont-de-Buis, dont les plaques- s simultanément. Le matériel mis au jour (dont une fibule de type Fowler C) remonte au Ivème siècle. La couverture de la tombe, constituée de blocs de granité, est assez semblable à un tertre funéraire. Selon P.-R. Giot (Bardel et ai, 1977, p. 35-36), ces individus "de type nordique" pourraient peut-être avoir une origine germanique. Près de la cathédrale d'Alet furent retrouvés au début du siècle une dizaine d'individus disposés apparemment en cercle, l'un d'eux tenant dans les bras un bois de cerf. D. Mouton (1981) a émis l'hypothèse d'une sépulture de Saxons, inhumés après l'un de leurs raids dès le Vème siècle. Les sépultures exhumées par L. Langouèt aux abords immédiats de la cathédrale et à l'intérieur de celle-ci datent pour la plupart d'entre elles de la fin du Moyen Age. Néanmoins, quelques tombes semblent antérieures à la cathédrale à deux absides datée soit du début du IXème siècle, soit de la seconde moitié du Xème siècle (Langouët, 1987, p. 118-121). La christianisation de la société romaine se traduit isolément dans les tombes par quelques découvertes. Un sarcophage en plomb, d'un type relativement fréquent dans l'Armorique romaine, exhumé au XIXème siècle à Trédrez, renfermait, outre un squelette masculin, une "hache triangulaire" et des objets de parure, dont une croix en plomb. Autour de la villa nantaise où eut lieu le martyre des saints Donatien et Rogatien à la fin du Illème siècle, de même que sur le coteau St-Similien, se succédèrent rapidement des sépultures de mode romain, soit des sa rcophages en plomb, soit des coffres en tegulae disposés en bâtière ou sur chant. Dans les ruines de l'ancienne cité de Corseul trente-huit sépultures de ce deuxième type ont été mises au jour ; F. Fichet de Clairefontaine (1986) propose de situer cette nécropôle entre les Vllème et IXème siècles, à cause de la présence d'un tesson de céramique poinçonné. Autour de la chapelle St-Clément de Quiberon, P.-M. Lavenot (1890) découvrit plusieurs tombes semblables, dont l'une recouverte de pierres plates, possédait une logette céphaloïde rectangulaire. concise les sépultures des saints, tandis que quelques textes à caractère épique mentionnent celles de guerriers tués au combat. La chanson de geste Girart de Roussillon, rédigée vers le milieu du Xllème siècle, précise les conditions des ensevelissements : après une bataille, Charles le Chauve concède en fief le cimetière à un "abes bret de CornouaillCel", à charge pour lui de rétribuer des tailleurs de pierre : "Les mors ne sat penser qu'i plus lors va [Me] / Mais cascun un sarcou, e cel qu'il taill[el / Dora cen sous del son" (Hackett, 1955, p. 476-477). "Quant aux morts, il ne sait penser chose dont ils ont besoin / Sinon pour chacun un cercueil [sarcophagel, et à celui qui le taillera / II donnera cent sous" (Meyer, 1884, p. 172-173). Ces événements se déroulaient vraisemblablement au nord de l'Aquitaine ou enPoitou pu s'inspirer de la grande nécropole de Civaux où des sarcophages ont été exhumés par centaines (Delahaye, 1982). La théorie d'une bataille explicative d'une concentration de sarcophages demeure fermement ancrée dans les esprits - y compris des témoins des fouilles modernes -. En 1588, B. d'Argentré attribuait aux "tumbes de pierre de toutes couleurs" de Rallion, en La Bouëxière, une origine guerrière. Des parcelles voisines du site, appelées les "Champs de la bataille", séparées par le"Ruisseau du sang" attestent la croyance locale en un combat que H. Bourde de la Rogerie datait de 594 en s'inspirant, sans preuve aucune, de Grégoire de Tours. Cette nécropole remonte très certainement à l'époque mérovingienne: outre les sarcophages, semblables à ceux de plusieurs sites de Haute-Bretagne, une bague en or, conservée au Musée des Antiquités nationales, y fut découverte en 1857 (Couey et Bourde de la Rogerie, 1934). Dans quelques cas, il semble légitime de s'interroger sur les circonstances du décès - autres que naturelles -, lorsque les défunts paraissent avoir péri de mort violente : la quadruple inhumation de Fréhel en est le meilleur exemple. La mort du saint fondateur d'une communauté ecclésiastique est l'occasion pour son hagiographe de célébrer les vertus du saint, prouvées par la fameuse "odeur de sainteté" (Vita Hervei : La Borderie, 1891,p. 26). Les coutumes funéraires, malheureusement peu détaillées en ce qui concerne la tombe elle même, sont résumées par des phrases banales avares de renseignements : "Sepultusque est in ecclesia lignea" (Vita Winwaloei) ; "corpus vero a sanctis qui ad ejus convenerant obitum in loco a Deo sibi concesso depositum est, utque honorifice posset ibi custodiri, cellula quedam superedificata est" (Vita Euflami) ; "a vicinis ecclesiarum clericis in basilica quant ipse construxerat humatus est" (Vita Benedicti de Macerac). Beaucoup d'autres exemples peuvent être cités : ce cliché souvent répété ne fournit qu'une information lacunaire. Des textes autres que les vitae mais à ca ractère hagiographique donnent des renseignements similaires. Grégoire de Tours indique que saint Friard décéda dans sa cellule, et que le tombeau de saint Melaine, recouvert d'une tenture de lin, fut miraculeusement épargné lors de l'incendie de la tour en bois qui le surmontait (Vieillard-Troiekouroff, 1976, p. 52, 238). Un degré supplémentaire de précision est atteint par les Miracula sancti Maglori. Son auteur déplore le viol de la sépulture de saint Magloire par des pirates normands - Normanni -, poussés par l'appétit du lucre : "Quo viso, barbari ignotum pondus auri et argentum sarcophagum habere credente, electis septem vins coetoris fortioribus, sarcophagum apperiunt, sancptra esmumemptburrai "p'. aLllai sv iitna vHoleurtvae ip polrléuctiisse menacnoirbeu sd atvanagnertea g: eà la mort du saint, son sarcophage est consolidé par des bandes de fer et de plomb qui l'entourent, "laminis ferreis et plumbo sarcophagum firmiter vincientes". A. de La Borderie (1891, p. 274) concluait qu'il s'agissait d'un cercueil en bois, datable selon lui du XlIIème siècle, alors que ce type de réparations peut s'appliquer également à un sarcophage en pierre bien antérieur.  La vita Lauri indique que le saint fut enseveli dans un sarcophage de pierre – "sepultus que est in concavato quem sibi in vita sua preparavit" - qu'il promen aitd ans un chariot tiré par deux boeufs. Cette translation rappelle des épisodes des vies des saints-Budoc, Ronan et Melar, dans lesquels leurs dépouilles mor telles sont confiées au bon vouloir de ces animaux, à charge pour eux de découvrir un lieu de sépulture convenant au saint. Ronan repose en l'église paroissiale de Locronan sous un cénotaphe érigé à l'extrême fin du XVème siècle, lequel recouvre peutêtreun sarcophage comme à St-Jaoua en Plouvien (Abgrall, 1899, p. 4-7). En ce qui concerne Melar, un sarcophage "en pierre de grain" resta conservé jus qu'à la Révolution derrière le maître-autel de l'église paroissiale de Lanmeur. Il n'est pas exclu que ce tombeau ait été offert primitivement à la vénération des fidèles dans la chapelle souterraine qui ne fut cependant jamais un hypogée (Guigon, 1985). Par contre, la partie orientale de l'ancienne église paroissiale de Maxent, construite entre 862 et 864, abrita les corps de saint Conwoïon, de Salomon et de son épouse Guenwreth, ainsi que du machtiern Deurhoiarn et de son épouse Roiantken. Ces derniers furent probablement enterrés dans un avant porche à l'extrémité ouest de l'église, saint Conwoïon, Guenwreth et Salomon devant être inhumés ad sanctos, dans le déambulatoire coudé. Ces sépultures à l'intérieur des églises tombaient sous le coup de diverses interdictions concilaires, notamment de celle édictée par le sixième canon d'un concile (douteux) réuni à Nantes vers 660. Dans une chapelle à proximité immédiate de l'église paroissiale de Landeleau était conservé un sarcophage en granité appelé le "lit de saint Teilo", dans lequel saint Yves coucha une nuit par souci de mortification, "in uno lapide concavo" (La Borderie et al., 1887, p. 22). Il reprenait ainsi les pénitences que s'infligeaient les moines d'origine insulaire : saint Guénolé dormait dans un lit fait de sable mélangé à des cailloux, des pierres calant à la fois sa tête et ses pieds. J. Raison du Cleuziou évoque à ce sujet un passage de la vie de saint Columba, dans laquelle la couche du saint est assimilée à une sépulture, et la pierre pour la tête à une stèle (Merdrignac, 1986, p. 86-87). Selon G. Bernier (1978, p. 631), il existe un rapport sémantique entre le mot latin lictus, lit, et le terme vieil-irlandais lecht, mort ; le leacht de l'irlandais moderne désigne un tertre funéraire (Thomas, 1971, p. 144). Nous évoquerons plus loin lescarns cités par les textes, qui représentent l'une des originalités de la Bretagne du haut Moyen Age.  

 

Répartition géographique

 

Plusieurs tentatives spécialisées pour dresser l'inventaire des sépultures ont eu lieu à ce jour, la plupart du temps pour un département, comme le Finistère (Abgrall, 1899) ou le Morbihan (Euzenot, 1880-1881). De multiples monographies décrivent un site, mais elles sont trop anciennes et imprécises. De plus, quelques sites inconnus des chercheurs du XIXème siècle ont été, soit mis au jour depuis (Bais, Corseul), soit replacés dans une chronologie correcte. P. Galliou (1981, p. 348-350) a tenté en annexe de sa thèse de cartographier et de dater ces sépultures. La carte globale de distribution indique nettement que les nécropoles prédominent à l'est de la péninsule par rapport aux sépultures isolées (fig. 1). Les quelques cimetières de Basse-Bretagne semblent répartis en un semis côtier qui évite l'intérieur, si l'on excepte les sites de Cléguérec (sans doute gallo-romain) et des communes limitrophes de St-Nicolas-du-Pélem et de Canihuel. Cet éparpillement le long des côtes, assez semblable à la distribution des monnaies du haut Moyen Age retrouvées en Bretagne,vest en général expliqué par les difficultés du transport des sarcophages par voie terrestre. Mais cette solution ne s'applique pas à Alet, Pléhérel, l'Ile-Grande, Coz-Yaudet, Lavret et Tréflez sur la côte nord, St-Urnel sur la côte sud, puis qu'aucune de ces nécropoles n'a livré de sarcophages alors qu'elles remontent, pour la plupart d'entre elles au haut Moyen Age. Le contraste est frappant avec la côte sud, où ce type de tombe est connu à Quiberon, Ambon, Marzan et Arzal. L'influence de la basse Loire paraît écarter pour les circuits de distribution des sarcophages de Bretagne, puisqu'ils sont taillés dans des matériaux locaux. De même en ce qui concerne les autres rivières navigables avec des bateaux à faible tirant d'eau, aucune concentration ne se dégage clairement, y compris pour les grandes nécropoles de l'est de la province (fig. 2). La Basse-Bretagne possède la majorité des sépultures isolées, souvent attribuées à un personnage précis, alors qu'elles représentent l'exception en Haute-Bretagne, sauf sur sa côte nord (fig. 3-4). Il ne suffit certainement pas d'évoquer les seuls critères géologiques pour rendre compte de cette dichotomie les différences culturelles entrent en jeu et marquent la civilisation matérielle des "Premiers Bretons" (Giot et ai, 1985).

 

Répartition topographique

 

La plupart des sépultures du haut Moyen Age en Bretagne, qu'elles soient isolées ou qu'elles fassent partie d'une nécropole, se situent à proximité d'un lieu de culte, cathédrale ou chapelle suburbaine, église paroissiale ou chapelle rurale. Deux fontaines (à Goulven et Telgruc-sur-Mer) réutilisent des sarco phages attribués à des saints (respectivement Goulven et Divy) : faut-il supposer une christianisation de lieux de culte de l'eau protohistoriques ?Le tableau 1 démontre la prédominance des sites proches d'un édifice religieux, globalement deux fois plus nombreux que les sites éloignés d'un lieu de culte. En séparant les sépultures isolées (tabl. 2) des nécropoles (tabl. 3), la réalité paraît toutefois plus complexe. L'attrait du centre paroissial (dans l'église elle-même ou dans le cimetière qui l'entoure) est naturellement très fort dans les deux cas, prouvant ainsi la continuité et la stabilité des cimetières jusqu'à une date récente, les nécropoles urbaines restant figées (Nantes) à leur emplacement. Le grand nombre de sépultures mises au jour près d'une chapelle rurale pourrait indiquer des déplacements des centres paroissiaux. L'ancienneté de tels sites ressort également de leurs dédicaces, souvent significatives du haut Moyen Age : en Haute-Bretagne, Pierre est le patron le plus fréquemment nommé, à égalité avec André. D'autres saints honorés à l'époque mérovingienne ne sont connus qu'à un seul exemplaire, comme par exemple Aubin, Denis, Eloi, Germain, Lupien, Symphorien. En Basse-Bretagne, il s'agit de personnages spécifiquement issus de l'Eglise celtique, fondateurs de petits monastères ou d'ermites connus très localement. L'originalité du groupe de Canihuel et St-Nicolas-du-Pélem se démontre une nouvelle fois, puisque les chapelles où furent retrouvés au siècle dernier des sarcophages sont placées respectivement sous les dédicaces de Pierre et d'Eloi. Ceci indique peut-être la présence d'un îlot de population franque ou romanisée, isolé dans un milieu de culture bretonne. Une partie non négligeable des sépultures semble totalement isolée, sans que l'on puisse établir de relations entre les cadres ecclésiastiques et leur situation excentrée peut-être due, dans certains cas, à un éloignement volontaire. Il faut probablement incriminer la mauvaise qualité des dégagements du siècle dernier, qui fausse les conclusions. A Vendel, la nécropole contenue dans la parcelle dite "Rue des tombeaux" présentait toutes les caractéristiques de ses homologues de Bais, Thourie et Visseiche, mais aucune chapelle n'existe aux environs. Quelques sites de hauteur révèlent des occupations du haut Moyen Age où les défunts furent inhumés, à Louvigné-du Désert, Plessé (cité en 903) et au Tiercent. Par contre, à Vieux- Vy-sur-Couësnon, le centre paroissial et funéraire s'est établi sur un promontoire du camp protohistorique d'Orange, réoccupé plus tard

Typomogie matériaux décor

 

Les sépultures les plus unanimement datées du haut Moyen Age utilisant des sarcophages de différents types. Les cuves rectangulaires dérivent certainement de "prototypes gallo-romains" (Galliou,1981,p. 349), comme celles de Carhaix ou de St-Lunaire. Mais les tombeaux en granité de forme identique des cathédrales de dol et de St-Pol, attribués aux saints évêques de ces lieux, remontent à la période romane seulement. Les sarcophages monolithes trapézoïdaux, plus larges à la tête qu'au pied, restent la part du temps caractéristiques de la période mérovingienne, même si ce type de sépulture perdure bien au-delà, comme à Quiberon et à St-Gildas-de-Rhuys (Xlème siècle). Le trapèze n'est que rarement symétrique, les angles droits à la tête et au pied sont situés sur un même côté, ceux de l'autre côté étant respectivement aigu et obtus. Cette façon de tailler deux sarcophages disposés tête-bêche semble plus économe en matériau et plus simple à mettre en oeuvre que celle qui requiert la taille d'angles non droits. Les marques des instruments, herminette ou pic larges d'environ 2 cm demeurent visibles au fond des sarcophages en calcaire ; seules les sépultures du pays nantais possèdent sur les côtés des traces delayage disposées en oblique ou en chevrons, à caractère essentiellement décoratif. La présence d'une logette céphaloïde aménagée dans un sarcophage autorise, d'après certains auteurs, un rajeunissement jusqu'à l'époque carolingienne, voire romane (Salin, 1952, p. 104), même si certains exemples sont connus deux siècles auparavant (Colardelle, 1983, p. 353). En Bretagne, cet aménagement apparaît à Crach, où de minces baguettes encadrent la tête, à St-Donatien-et-Rogatien de Nantes et à St-Lupien de Rezé, toutes des sépultures mérovingiennes. Avec l'accroissement de la cavité pour la tête, l'anthropomorphisation se fait progressivement plus sensible, jusqu'à ce que le sarcophageépouse totalement la forme du corps : un exemple mérovingien (assez douteux) est connu à St-Lupien de Rezé (Cahour et al, 1874, pi. VIII) ; le tombeau similaire de St-Renan en Plozévet demeure indatable. Ceux de Quiberon sont attribués par P.-M. Lavenot (1890) au Xlème siècle (logette céphaloïde rectangulaire) ou au Xllème siècle (extrémité de la tête "pointue", avec logette). Les tombes maçonnées existent dès le Vllème siècle à Visseiche, et vers la même époque à St-Urnel en Plomeur, où une sépulture était délimitée par un os de baleine. Par contre, les entourages de galets de Lavret datent de la fin de l'époque carolingienne. Les tombes maçonnées mises au jour dans le cimetière paroissial de Pluguffan semblent antérieures à l'utilisation de la céramique onctueuse selon Y. Menez (communication personnelle), mais il semble bien que ce type de sépultures, souvent anthropomorphes, remonte au plus tôt à la période romane, comme à Landévennec (Bardel, 1985) ou à Quiberon. En Haute-Bretagne, les coffres en ardoise paraissent légèrement postérieurs aux sarcophages en calcaire coquillier pour les plus anciens et continuent à être utilisés pendant une assez longue période après eux. Seuls représentés dans une nécropole, ils semblent postérieurs à l'an Mil, comme ceux de Cromenac'h en Ambon ou ceux de la pointe de Mesquer, en prieurés dépendant de St-Gildas-de-Rhuys au plus tôt au Xlème siècle. Quelques sépultures rupestres creusées dans le granité (Le Tiercent) ou le calcaire (Chéméré, La Haie-Fouassière) remontent à l'époque mérovingienne. A L.ocquémeau, très près de l'église paroissiale, une excavation dans le granité affleurant directement à cet endroit peut être interprétée comme une tombe rupestre d'âge indéterminé.Les relations des dégagements anciens n'indiquent pas l'existence de simples fosses en pleine terre, démontrées depuis moins de quinze ans à St-Urnel puis à Lavret, et plus à l'est à Visseiche et à Bais. Toutes remontent à l'époque mérovingienne, mais ce type d'inhumations se poursuit naturellement très tardivement, avant d'être relayé par l'utilisation du cercueil, sans doute au XlIIème siècle. La répartition géographique des sarcophages correspond très exactement à la géologie sous-jacente, prouvant que la grande majorité d'entre eux n'a pas été importée sur de grandes distances (fig. 5). A Vieux- Vy-sur-Couësnon, dans une zone granitique proche de bassins du calcaire des faluns, se trouvent des sarcophages creusés dans ces deux matériaux. Non loin de là, à Montours, existait jusqu'à une période récente une exploitation à ciel ouvert de granité ayant servi pour la confection d'auges à bestiaux : les petits bassins cénozoïques de Haute-Bretagne devaient être utilisés de la même façonjusqu'à épuisement (Prigent et Bernard, 1985). L'ardoise, employée dès l'époque mérovingienne, peut franchir de plus grandes distances que le calcaire en raison de facilités de transport bien plus importantes. Ce matériau très répandu en Bretagne a certainement été exploité en de multiples endroits peu éloignés des nécropoles. L'utilisation du bois ne semble pas très ancienne : les cercueils de Bais seraient au plus tôt romans. Par contre, le sarcophage monoxyle de Landévennec pourrait remonter au milieu du Xème siècle (Bardel, 1985). Deux bornes milliaires ont été creusées pour en faire des sarcophages, à Elven et à Molac (Guigon et Bernier, 1986). Une colonne antique débitée longitudinalement sert de couvercle à une auge rectangulairene g ranité de St-Clément de Quiberon (fig. 6). Les sarcophages ornés demeurent rares en Bretagne, si l'on excepte ceux du pays nantais, avec leurs couvercles sculptés d'une croix à triple traverse et leurs panneaux de tête à décor de croix multiples, inspirés des modèles nivernais ou importés (Delahaye, 1981, p. 186-195). Le couvercle du sarcophage anthropomorphe de St-Renan en Plozévet est divisé longitudinalement en deux parties égales par une traverse en faible relief ; la cuve possède quatre tenons,deux pour chaque côté, de destination imprécise, décorative plus qu'utilitaire. Des informations indiquent que le couvercle du sarcophage assigné à saint Efflam, dans la chapelle du même nom en Plestin-les-Grèves, était gravé d'une hache qui évoquerait Vascia, symbole funéraire connu depuis l'Antiquité tardive en bien des régions plus méridionales (également à Nantes), mais aussi peut-être certaines croix archaïques du Léon. Le couvercle du sarcophage conservé dans l'église paroissiale de St-Suliac, a, inscrit tardivement Lapistum Sancti SuliniAbbatis, et porte une croix à double traverse. Le matériau, du granité, et l'aspect fruste de la taille rappellent le couvercle exhumé dans les dégagements du cimetière St-Similien de Nantes, en 1894. Dubuisson-Aubenay évoque en 1636 un "tombeau de pierre de grain, très antique, élevé à hauteur d'homme sur piles de maçonnerie, dans une ballustre de bois de la nef. Ce couvercle de sarcophage peut raisonnablement être attribué au saint confesseur, Similien, à qui était dédiée l'église cémétériale (Vieillard-T roiekouroff, 1976, p. 183-184). D. Prigent et "Es.p Birearlnesa"r d d(u1 98d5é,c opr. 1é0t2a)i eonntt enno tér éjaulsitteé mdeenst qcuerec lleess concentriques. La présence à Nantes d'un tel élément sculpté suscite bien des interrogations : tout d'abord il s'agit d'un cas unique, tant pour le matériau employé que pour le décor, où nous suggérons de voir une tentative de représentation anthropomorphique, les yeux étant figurés par les cercles, les bras par les branches transversales de la crois, le corps par sa hampe, voire les côtes par les traits obliques. Quelques comparaisons peuvent être effectuées, notamment avec le couvercle de Faha (R.F.A., Rhénanie), daté du Vllème siècle (Salin, 1952, p. 147-148), ou la stèle dite Reaskbuie stone, provenant de Kiloran en Colonsay (G.-B., Argyll), d'âge similaire (fig. 7). C. Thomas (1971, p. 129-131) suggère que ces face-crosses sont des "tentatives mal adroites de combiner l'idée de la croix en elle-même avec la représentation du Christ crucifié", en suivant des modèles importés du Proche-Orient. En Bretagne, la croix dite de Milizac (Castel et Barrié, 1985) pourrait être un exemple de ce type de représentation archaïque, de même que le couvercle de St-Similien de Nantes. Reste à déterminer la provenance de cette oeuvre exceptionnelle et à mettre en évidence la diffusion des modèles artistiques qui ne se sont pas cantonnés aux seuls pays celtiques. Nantes, port très actif à l'époque mérovingienne, a connu toutes sortes d'influences lointaines, étant à la fois en relation avec les pays germaniques et celtiques et le Bassin méditerranéen. La dalle de Basse-Indre, outre son décor animalier (Costa, 1964, pi. 241), est l'un des très rares monuments funéraires inscrits de l'époque mérovingienne en Bretagne, si l'on excepte les stèles de l'Age du Fer réemployées. Le sarcophage conservé dans la chapelle St-A ndré de Lomarec, en Crac'h, est attribué à Waroch (Fleuriot et ai, 1970), mais ceci a été récemment contesté.

Nécropoles et sarcophages du Haut Moyen Âge en Bretagne par Philippe Guigon, Jean Pierre Bardel et Michaël Batt

Les sépulture isolées

 

Elles se trouvent principalement en Basse-Bretagne avec cependant quelques exemples dans l'est de la province. A ces sarcophages sont attachés tout naturellement des légendes, principalement en ce qui concerne l'attribution à un personnage précis, souvent le saint éponyme de la paroisse, comme par exemple Goueznou (Gouesnou, ex Lan-Goueznou), Melar (Lanmeur, Lanmurmeler vers 960) ou Ronan (Locronan). D'autres tombeaux (tardifs) de saints importants sont conservés dans les abbayes dont ils furent les fondateurs, à Landévennec (Guénolé), St-Gildas-de-Rhuys (Gildas) ou St-Pol-de-Léon (Paul-Aurélien). Plusieurs tombeaux de saints subsistent dans les chapelles dont ils sont les patrons, souvent dans des régions proches de leur lieu présumé d'atterrage, ou dans la région qu'ils ont évangélisée. Quelques sépultures plus particulières soulèvent des interrogations, notamment la tombe attribuée à un certain Melar (distinct de l'éponyme de Lanmeur) à Kerveret en Lanloup, près de la chapelle Ste-Colombe. Il s'agit en fait d'une simple dalle trapézoïdale à la tête de laquelle est érigée une croix moderne. Le "tombeau" de saint Idunet, éponyme de Pluzunet, proche de la chapelle du même nom, n'est en réalité qu'un bassin trapézoïdal confondu abusivement avec un sarcophage. Son principal intérêt est de révéler l'importance, dans la mentalité des hagiographes, du tombeau du saint, véritable cliché servant de preuve tangible offerte à la vénération des fidèles. Plusieurs sarcophages sont conservés sous un cénotaphe souvent médiéval ; celui de Réguiny abritait des reliques de saint Clair, soit-disant premier évêque (apostolique !) de Nantes. Il serait intéressant de connaître précisément comment se forma cette légende probablement peu ancienne. L'originalité de la Basse-Bretagne est indéniable en ce qui concerne les sépultures réutilisant des stèles de l'Age du Fer, christianisées par une croix gravée retrouvées parfois aux environs de tombes du haut Moyen Age (Plozévet, Réguiny, Ste-Tréphine). Des "pierres rondes semblables aux galets de nos grèves" furent exhumées, lors de la reconstruction de l'église paroissiale de Ploudalmézeau, dans des tombes "en coffre" qu'elles remplissaient. Elles rappellent les sept galets - me lavar evel mein aod - du cantique de saint Goueznou, conservés à Kergroas en Gouesnou, près d'une auge qualifiée de lit du saint. Ces pierres évoquent aussi celles découvertes en 1570 à Ste-Tréphine : quatre stèles hémisphériques encadrent une fosse rectangulaire (cimentée au XIXème siècle) et une cinquième, creusée en son centre, est placée sur une petite extrémité (fig. 8). On peut enfin rappeler les "Pains de saint Hervé" dans l'enclos paroissial de Lanrivoaré, ou ceux plus récents (XVIème siècle) autour de la sépulture de Salaùn ar Foll à Lannuchen, au Folgoët. Ces stèles peuvent être disposées de manière à former un carn, comme avant 1570 à Ste-Tréphine, qui dérive des tertres funéraires romains et protohistoriques, voire des tombelles et tumulus de l'Age du Bronze. Pendant tout le haut Moyen Age, les Anglo-Saxons (exemple de Sutton-Hoo) et les Germains (Alamans, Bavarois) utilisèrent ces tertres. A Nortsur- Erdre, la tombe d'un couple était proche d'une fosse contenant un cheval dirigé vers les défunts, seul exemple connu en Bretagne de moeurs funéraires apparentées à celles des peuples riverains de la mer du Nord. Plusieurs textes évoquent les tertres funéraires du haut Moyen Age en usage en Bretagne et dans les pays celtiques. Grégoire de Tours (Salin, 1952, p. 66, 367) indique que Conomore cacha Macliaw dans un "caveau funéraire" en disposant autour de lui, selon la coutume, un tertre et en lui ménageant une petite ouverture par laquelle il puisse respirer : "Is cumsentiret persecutores eius adpropinquare, sub terra eum in loculo abscondit, conponens desuper ex more tumolum parvumque ei spiraculum reservans, unde halitu resumere possit". Cette ouverture rappelle celle ménagée dans le panneau de tête de la fosse de Ste-Tréphine, sépulture qui ressemble également à la tombe de Madauc, guerrier breton : "Quelle est cette tombe à quatre côtés, / Avec quatre pierres autour de son front ?" - Piou y bed pedryval, / Ae pedwar mein am y tal ? - (Hersart de la Villemarqué, 1867/a, p. 233). Egalement, la fosse mise au jour dans l'île Eilach an Naoimh, dans l'archipel des Garvellach (G.-B., Argyll), attribuée à Eithne, mère de Columba, était entourée de quatre stèles (l'une gravée d'une croix), le tout enclos par un mur bas circulaire d'un diamètre d'environ 5 m (Thomas, 1971, p. 62- 63). Llywarch Hen, poète gallois du Vlème siècle, décrivant la tombe d'Urien, précise qu'il sera inhumé "sous du mortier et des pierres bleues", "sous du mortier et d'épais gazon" ; il indique que "son corps délicat et blanc sera couvert aujourd'hui de mottes surmontées d'un signe" (Hersart de la Villemarqué, 1860, p. 44-47). Le mot carn, utilisé pour désigner un tertre, signifie" amoncellement de pierres" selon la vita Cadoci : "carn, id est rupa", suivant en cela les Lois galloises, dans lesquelles les termes carneddu mein sont traduits par congères lapides. Saint Hervé, redécouvrant le tombeau d'Urfol (dont le cénotaphe est conservé à Bourg-Blanc), fit placer de grandes pierres pour que l'on puisse reconnaître l'emplacement de la sépulture"Hue mini apportate, karissimi, ingénies lapides, quibus limbos hujus circumdem tumuli, ne tam sacrae reliquiae tradantur oblivioni" (La Borderie, 1891, p.263-264). D'autres tertres sont simplement des buttes de terre recouvertes d'herbe : le mot breton gwered, cimetière, signifie en outre tertre gazonné (Galliou, 1981, p. 105). Ces tertres funéraires ne sont certes pas une spécificité celtique - Sidoine Apollinaire évoque celui de son grand-père (Salin, 1952, p.367) -, mais il semble que la Bretagne occidentale soit la seule région de France où l'on puisse retrouver ce type de sépultures, qui coexistent avec l'inhumation en sarcophage jusqu'à la période carolingien n: la egwer z de Morvan, dit Lez-Breiz, précise que ce chef rué en 818 fut inhumé sous un "tertre" - voden - (Hersart de la Villemarqué, 1867/b, p. 105), et non dans un sarcophage comme celui que la tradition lui attribuait à Rospez. Ermold le Noir qui indique que Louis le Pieux le fit ensevelir, ne précise pas le type de sépulture donné au rebelle, pas plus que celles des guerriers francs.

 

Les nécropoles

 

Dans leur grande majorité, les nécropoles sont situées à l'est de la Bretagne, mais le long des côtes se trouve un semis de cimetières d'âges différents, destinés à des populations hétérogènes. D'autres sites existent probablement à l'intérieur des terres (Canihuel / St-Nicolas-du-Pélem, Kernével en Rosporden), mais les renseignements dont nous disposons à leur sujet sont anciens et lacunaires. St-Clément de Quiberon a probablement connu une phase d'occupation romaine (coffres rectangulaires en tegulae posées sur chant). La construction de la première chapelle en pierre remonte peut-être au Xlème siècle, lorsque St-Clément devint un ré de St-Gildas-de-Rhuys. Les sarcophages de cette= époque sont semblables à ceux de l'abbaye-mère, avec leurs couvercles trapézoïdaux gravés d'une croix, légèrement en bâtière, et une logette céphaloïde. Plus tardifs (Xllème siècle) sont les sarcophages avec l'extrémité de la tête pointue. Les sépultures formées de plaquettes posées sur chant datent du XlVème siècle. La chronologie proposée par P.-M. Lavenot (1890) n'inclut pas les fosses en pleine terre avec un entourage de huit galets répartis de part et d'autre du cadavre. Un type de sépulture assez semblable, avec un entourage complet, a été mis au jour à Lavret, où il semble postérieur aux fosses en pleine terre sans aucune marque ou limite extérieure, sauf des pierres dechant à la tête. Mais la nécropole antérieure diffère fondamentalement de celle de Quiberon, indiquant la disparité du peuplement des deux régions. Elle entra en usage postérieurement au fonctionnement de l'école monastique de Budoc, à partir de la fin de la période carolingienne, comme l'indiquent à la fois les datations radio-carbone et la pauvreté du mobilier mis au jour (Giot, 1982 ; Giot et al, 1985, p. 32). Le démarrage de St-Urnel est antérieur de plusieurs siècles à Lavret, mais les sépultures adoptaient déjà cette même simplicité dépouillée (Giot et Monnier, 1978 ; Giot étal, 1985, p. 32-33), comme si les moeurs funéraires des Bretons préfiguraient celles en usage à partir de l'époque carolingienne dans l'ensemble du monde chrétien en Europe. Il semble que la pauvreté des tombes exhumées dans la partie ouest de la Bretagne reflète, outre l'état des recherches li é à l'incertitude des fouilles anciennes, une attitude devant la mort différente de celle des populations continentales, romanisées ou pas, mais proche de celle des populations celtiques. La nécropole de l'Ile d'Aval, dans l'archipel de l'Ile-Grande, en Pleumeur-Bodou, bien que mal connue, souligne une nouvelle fois l'originalité de la Bretagne occidentale, puisqu'aucun point de comparaison ne peut être trouvé avec le reste de la Gaule. Une trentaine ou une quarantaine de squelettes semblaient disposés autour d'un petit tumulus surmonté d'un "menhir", interprété comme un carn coiffé d'une stèle funéraire. Aucune précision ne peut être apportée en ce qui concerne la nécropole de Vieux-Bourg de Pléhérel, en Fréhel, au milieu de laquelle ont été recueillies trois pierres reconnues comme des stèles funéraires d'époque mérovingienne apparentées à celles du Vexin français (Giot et Monnier, 1977). Plus d'incertitude encore règne sur les centaines de tombes révélées par une tempête en 1843 à Lostmarc'h en Crozon, à proximité d'un promontoire barré d e la Tène III, certainement en milieu romain. Rares sont les nécropoles bien datées en Haute-Bretagne, car les fouilles scientifiques y sont très récentes (Bais : 1987 ; Moutiers : 1983 ; Thourie : 1984 ; Visseiche : 1985). Un certain nombre de points communs se dégagent de ces recherches et des comptes-rendus des dégagements anciens. Les nécropoles combinent sarcophages en calcaire coquillier et coffres en ardoise, fréquemment disposés en groupes en éventail interprétés comme des sépultures familiales (les cimetières par rangées sont inconnus). L'orientation préférentielle reste l'axe ouest (tête) /est, cependant d'autres tombes peuvent être alignées suivant d'autres directions apparemment aberrantes, très variables suivant la place disponible ; la topo-chronologiques donc impossible à mettre en oeuvre, sinon à l'intérieur d'un même groupe familial. La répartition des défunts, par sexe et par âge, semble indiquer que ces nécropoles sont des cimetières paroissiaux, les premiers du genre ; des études anthropologiques sont en cours pour préciser cette affirmation. Les rites funéraires ne montrent pas une quelconque originalité de la Haute-Bretagne par rapport à l'ensemble de la Neustrie, si ce n'est peut-être un pourcentage de présence de charbon de bois à l'intérieur des tombes plus abondant qu'ailleurs, voisin de dix pour cent (Young, 1977, p. 30-36). La pauvreté du mobilier mis au jour est un trait commun aux deux parties de la Bretagne, moins bien lotie que les régions limitrophes.

Nécropoles et sarcophages du Haut Moyen Âge en Bretagne par Philippe Guigon, Jean Pierre Bardel et Michaël Batt

Bais

 

La fouille de sauvetage menée au Bourg St-Pair, dans des parcelles nommées Chapelle St-Pierre, a permis la mise au jour de 135 sépultures, de trois époques différentes, les plus anciennes remontant au Vlème siècle (fig. 9). Une deuxième phase a vu la construction de la chapelle dont on a retrouvé les fondations (épaisseur : 1,20 m ; diamètre intérieur : 5 m). Cet édifice est certainement celui attesté six fois entre 1152 et 1214 sous la forme capella sancti Pétri de Bedesio ou Bedeseio dans le cartulaire de St-Melaine de Rennes. Une monnaie de Geoffroy II, comte d'Anjou de 1040 à 1060, retrouvée dans un coffre en ardoise sans couvercle, ne date pas ce dernier, mais probablement la chapelle, peut-êtredue par un laïc aux moines rennais. Les fondation ont détruit les sépultures antérieures, laissant partiellement leurs occupants en place. A la chapelle semblent associées des tombes en pleine terre, profondément creusées au pic à travers les sarcophages et les coffres jusqu'au schiste briovérien ; dans l'une d'elles est aménagée une logette céphaloïde. A une époque imprécise, sans doute entre le XVIème et le XVIIème siècle (où des mariages sont encore signalés dans la chapelle), une dizaine d'inhumations en cercueil a eu lieu à l'intérieur de l'abside. La nécropole du haut Moyen Age comprend 95 sépultures primaires, dont 22 sarcophages en calcaire coquillier (l'un d'eux rallongé par des ardoises), 65 coffres en schiste ardoisier et 8 fosses en pleine terre (dont quatre de jeunes enfants, moins profondes que les sépultures médiévales). Dans les groupes familiaux, des coffres en ardoise s'insèrent entre les sarcophages monolithes, probablement peu de temps après que le souvenir de leur emplacement ne se fût effacé, car rares sont les chevauchements constatés, alors que les inhumations médiévales détruisent les anciennes sépultures. Trois objets en bronze étamé ont été retrouvés en place dans des sarcophages en calcaire coquillier, deux fibules ansées asymétriques et une bouclette de chaussure à ardillon scutiforme, tous attribuables à la fin du Vlème et au début du VIIème siècle. Une ba gue en bronze à jonc circulaire et chaton carré, orné d'un motif illisible, et quatre grains en verre et pâte de verre datent de la période mérovingienne (Vlème-Vllème siècles). Un coffre en ardoise abritant une femme possédant deux anneaux d'oreille en bronze (atypiques) renfermait également une plaquette de schiste mesurant 22 cm de longueur et 14 cm de hauteur ; elle était gravée des lettres BELADORE, hautes de 4 cm, sans doute une épitaphe masculine : Belado ReCquiescif}. La graphie (les extrémités des lettres sont poinçonnées pour éviter le fendillement) et la forme du nom semblent remonter à la période mérovingienne, en même temps que l'inscription de Basse-Indre et peut-être celle, détruite, de Martigné- Ferchaud. La nécropole originelle fut supplantée au Moyen Age classique par le "petit cimetière" des registres d'Etat-civil, autour de l'église paroissiale, lui-même remplacé dans le courant du XVIIème siècle par le "grand cimetière", situé à égale distance de ses deux prédécesseurs.  

 

Visseiche

 

La nécropole du haut Moyen Age de Visseiche est située comme celle de Moutiers sur un petit promontoire dominant un méandre de la Seiche. Le site déjà occupé dans l'antiquité apparaît comme une halte sur la voie gallo-romaine de Rennes à Angers. Connue dans la table de Peutinger sous le nom de SIPIA, cette station forma un petit vicus que nous retrouvons dans le nom actuel VISSEICHE (Vicus Sipiae). A la présence gallo-romaine succède une occupation du haut Moyen Age dont la trace nous était donnée jusqu'à présent par la découverte ancienne de sarcophages au sud de l'église et autour du presbytère. En 1985, la création d'un nouveau terrain de sports entre le bourg et la Seiche fit apparaître toute une nécropole ainsi qu'un fossé en arc de cercle et des trous de poteau. La fouille de sauvetage intégrale de la partie mise au jour de la nécropole nous donna 78 sépultures qui se regroupaient en quatre groupes bien distincts. Le premier est celui des sépultures en coffre d'ardoise dont on a relevé 45 spécimens. Le second correspond aux sarcophages en calcaire coquillier dont on a dé nombré 19 exemplaires. 14 autres tombes appartiennent au troisième groupe des inhumations en pleine terre. Un quatrième groupe pour lequel nous n'avons pas suffisamment de renseignements est celui des inhumations en cercueil de bois. L'idée de l'existence de ce type est avancée à la suite de la découverte de nombreux clous de fer dispersés par le terrassement du bulldozer. L'ensemble des sépultures (fig. 10) se présentait dans une zone sub-rectangulaire d'orientation nord est/sud-ouest, parallèle à l'ancienne voie romaine (l'actuelle route nationale), et dont la superficie était de 30 m sur 20 m. Un peu à l'écart au sud et à l'ouest, 13 sépultures en coffre donnent une idée de l'extension maximum de la nécropole : 70 m sur 35. L'espace compris entre le noyau et cette couronne est occupé par deux fours à chaux chargés avec des morceaux de sarcophages en calcaire et des ossements. On peut honnêtement penser que ce grand vide central était occupé par des inhumations en calcaire qui ont été récupérées pour l'alimentation des fours. L'ensemble des sépultures est aspecté ouest-est avec des orientations qui vont de 104 à 141°. On ob serve que ces orientations sont groupées et correspondent soit à des groupements (familles, personnes d'un même lieu, personnes de même rang), soit à l'évolution du cimetière et à la place disponible. Ainsi, à une période de saturation, on a inhumé en périphérie dans une orientation qui est pratiquement perpendiculaire à la majorité (les sépultures 37, 39, 40 par exemple). Les inhumations les plus anciennes sont les sépultures en coffre que chevauchent plusieurs sarcophages en calcaire. Le mobilier très rare recueilli comporte une petite perle en verre pentolobée, une petite bourse de cuir à armature de bronze et une fibule ansée symétrique à décor d'ocelle. On observe dans ce groupe une sépulture collective (sans doute familiale) comportant quatre inhumations juxtaposées (sépulture 33). A partir d'une période que l'on ne peut définir précisément apparaissent les sarcophages en calcaire coquillier qui ont partiellement chevauché des sépul tures en coffre. Le mobilier recueilli dans ce type de sépulture comportait deux épingles à cheveux en bronze, dont l'une présentait une tête cloisonnée sur le dessus en tronc de pyramide inversé (sépulture 16). Parmi toutes les inhumations, on note des sépultures en pleine terre dont l'apparition est difficile à situer. Plusieurs spécimens montrent cependant qu'elles réemploient des éléments de coffre d'ardoise et de sarcophage en calcaire comme dalle de couverture (sépulture 2 et sépulture 49). On peut penser que ce type d'inhumation s'est développé dans un troisième temps. Tout un espace sub-circulaire, entouré par les sépultures 7, 12, 11, 16 et 22, n'a livré que des clous éparpillés par le terrassement, à l'exclusion de tout autre mobilier. Cela nous amène à penser que nous avons peut-être ici un groupe d'inhumation en cercueil. L'abandon du cimetière est marqué par deux événements précis. D'abord, apparaît une construction en bois dont les trous de poteaux transpercent plusieurs sépultures (tombes 25 et 29), puis il y a les deux fours à chaux au sud du site. On peut se demander si cette dernière activité n'est pas à mettre en relation avec la construction de l'église romane. En effet, l'édifice actuel recèle un fragment de mur avec fenêtre et contrefort où nous retrouvons des fonds de cuves de sarcophage utilisés en chaînage d'angle de contrefort (mur sud de la nef). L'étude anthropologique réalisée par P.-R. Giot a montré malgré la très grande dégradation des os due aux terrassements, que nous avions une population répartie à égalité entre les deux sexes. Plusieurs cas pathologiques, en cours d'étude, ont pu être observés. Si la fouille a porté sur l'ensemble des sépultures se situant dans ce secteur, elle a aussi permis de situer la zone d'habitat entre le terrain de sport, le bourg etle cimetière actuel. En effet, un fossé sub-circulaire et des trous de poteau ont pu être observés dans l'angle nord-est du terrain. On a pu y recueillir un mobilier mérovingien comportant une agrafe à double crochet et de la céramique à décor guilloché fait à la molette. Comme pour la nécropole, ce dernier ensemble est orienté parallèlement à la voie romaine

Les cimetières après l'an mil

 

Au Xlème siècle (avant 1076), l'évêque de Rennes délimite l'emplacement du futur cimetière du bourg de Vitré, nouvellement fondé par les moines de Marmoutier : il en fait le tour avec son bâton pastoral, bénissant également les fondations de la nouvelle église. Un texte sans doute réécrit à la fin du Xlème siècle relate une cérémonie identique à l'Ile-Grande, en Pleumeur-Bodou, au cours de laquelle le comte de Rennes Juhel-Berenger accomplit les mêmes gestes pour les moines de Redon. Les chartes des Xlème et Xllème siècles indiquent exceptionnelles memes dimensions des cimetières, entourés parfois de fossés (Guillotel, 1972-1974, p. 9-11). Aucun texte ne précise quels types de sépultures étaient en usage à l'intérieur des nécropoles, ni n'évoque même les sarcophages qui y restaient conservés, pourtant certainement mis au jour lors de nouvelles inhumations; on constate une telle absence à Molac (cimetière mentionné entre 1128 et 1132) et à Bais. La Chanson d'Aiquin, composée à la fin du Xllème siècle par un auteur bon connaisseur de la région de St-Malo, indique qu'après une bataille Charlemagne sépara les victimes païennes des défunts chrétiens pour enterrer dignement ces derniers : "Le roy fist fere ung charnier bien oupvré / De bonne pierre, en bon mortier scellé./ Illec fut mys le peuple Damme Dé, / Qui en bataille ot esté décollé. / Une chapelle fist sur les martyrs Dé ; / Sur le charnier fut le moutier fondé / De saint Estienne en fiit le mestre aulté" (laisse XV, vers 1064-1070). L'éditeur de la chanson indique que le "charnier" situé derrière la chapelle, bâtie en 1577, pourrait être un "tumulus" (Joùon des Longrais, 1880, p. LXXVII-LXXVIII, 42-43). Mais la précision du texte montre plutôt qu'il s'agissait d'un cimetière (Lozac'hmeur et Ovazza, 1985, p. 95) entouré de murs bas, semblable aux exemples actuels (Beauchesne, 1935, p. 35). Il n'est donc plus question de sarcophages, contrairement à la chanson de geste Girart de Roussillon, ni de tertre comme dans la gwerz de Morvan. En fait, les textes reflètent bien la situation réelle de l'époque romaines : les nécropoles abandonnent les sarcophages et les remplacent par d'autres types de sépultures connus auparavant, comprenant uniquement des coffres en ardoise (Le Masse en Rannée - J.-C. Meuret,communication personnelle -, Mesquer), ou des fosses en pleine terre avec ou sans entourage de galets (Quiberon). Les tombes maçonnées avec des pierres posées de chant tendent de plus en plus à l'anthropomorphisation (Landévennec) ; pareillement, les sarcophages isolés comportent la plupart du temps une logette céphaloïde. Certains d'entre eux ont pu être utilisés comme fiertre, brancard servant à transporter les défunts à leur dernière demeure, puis par extension l'auge elle-même, souvent en bois (Bernier, 1984, p. 266-268). La matière duferetrum dans lequel repose saint Yves à sa mort (1303), dans la cathédrale de Tré guier, n'est pas précisée (La Borderie et al., 1887, p. 49). Enfin, les cercueils se généralisent, à   une date difficile à préciser faute de fouilles. H. Guillotel (1972-1974, p. 20) concluait son intéressant travail sur les cimetières des Xlème et Xllème siècles par l'hypothèse selon laquelle tachement prolongé aux vieux cimetières qui, au centre des villages, environnaient l'église" découlerait du "culte des morts, si développé chez les Bretons, comme chez tous les Celtes". Il faut cependant préciser que les premières nécropoles chrétiennes étaient situées hors des agglomérations jalonnant les voies d'accès aux faubourgs des villes. Les bourgs de moindre importance peuvent posséder plusieurs cimetières, sis à proximité de l'église paroissiale et dans le voisinage d'une chapelle rurale (Domagné, Thourie). Dans la plupart des cas, une nécropole unique placée hors des villes paraît avoir été en fonction au haut Moyen Age, suivant en cela des traditions héritées de l'Antiquité. D'éventuels transferts du centre paroissial ont pu avoir lieu sur de plus grandes distances,révélés à la fois par la toponymie et par d'anciennes traditions liturgiques (Le Vieux-Bourg et Quintin par exemple). Après l'an Mil, le cimetière n'est plus un lieu de crainte ou de respect comme autrefois : installé autour du centre paroissial, il attire des maisons, parfois entourées de jardins, des marchés s'y tiennent, il sert de lieu d'asile et de sauvegarde. L'installation des vivants dans le domaine des morts entraîna pour une bonne part la naissance du village, car il était plus facile de contrôler ce regroupement qu'un habitat dispersé (Chédeville et Tonnerre, 1987, p. 358-361).  

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