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12 mai 2018 6 12 /05 /mai /2018 13:48

Bréhat. - M. P.-R. Giot a poursuivi en 1979 et 1980 ses recherches à l'île Lavret (ou Lavrec), la Lavrea insula de la vita de saint Guénolé, avec notamment le concours de MM. Bernier et Langouët. Il a été vérifié que la ruine galloromaine visible hors de terre n'est que la partie centrale d'un bâtiment plus grand, dont les murs extérieurs furent détruits et épierrés jusqu'aux fondations par les Bretons. Le système de conduites de chauffe découvert en 1977 devait desservir quelques petites pièces à son n.-e. (il faut donc rectifier le plan donné dans la précédente chronique : il n'y a pas de passages de conduites sous les murs de la pièce centrale, les ouvertures apparentes étant dues à des interventions ultérieures des Bretons). Il a été trouvé quelques briques de pilets d'hypocauste et pas mal de fragments d'enduits peints à décor linéaire simple -avec un grafïite numérique. Les débris de très nombreuses tuiles stockées dans une fosse par les Bretons ont pu être exploités par MM. Goulpeau et Langouët pour fournir une datation archéomagnétique grâce à une méthode originale. Deux options se présentent : soit une première construction vers 220 qui aurait été réparée vers 240, soit une première construction vers 240 dont on aurait récupéré une partie des tuiles pour une construction définitive vers 270. Aucun apport de tuiles neuves n'a été constaté sur le site au ive s. même si des réparations ou remaniements de la construction ont eu lieu. La fonction ou la raison d'être de ce petit bâtiment d'habitation, villa ou autre établissement, dans un îlot rocailleux de moins de 10 ha, reste énigmatique. A une vingtaine de mètres au s., un fossé creusé dans le limon limitait l'ensemble, ceinturé à l'o. et à l'e. Par des barres granitiques à fort relief. Les moellons de la construction gallo-romaine ont été rocheuse occidentale. A une époque postérieure, une prolongation insoupçonnée de la construction lui fut adjointe, profitant de l'entaille rectangulaire de la carrière. Toujours à l'état de débris dispersés et remaniés, beaucoup de petits fragments d'objets divers ont été recueillis sur le site. La poterie commune est de facture osismienne ; la céramique sigillée présente des formes allant de la fin du IIe s. au IVe s. ; la poterie d'Argonne y figure avec un peu de saintongeaise « à l'éponge » et quelques tessons de Bretagne insulaire. De nombreux petits fragments de verre et quelques morceaux de plaquettes d'os gravé ont été récupérés. La fréquence des lampes à huile - rarissimes en Armorique romaine -sur ce site (trois exemplaires dont deux à l'estampille de FORTIS et de VIBIUS (fig. 21, let 2), fin IIe -première moitié du IIIe s.) n'a pas encore trouvé d'explication. La chaux utilisée pour le mortier a été fabriquée sur place à partir de blocs de craie importés par mer comme le prouve la présence à l'e. Du bâtiment d'un intéressant bac à chaux. Les 65 monnaies découvertes jusqu'ici s'étalent entre les IIIe et IVe s. : à part 4 monnaies très usées du Haut Empire, le lot commence par une quinzaine de pièces de la fin du IIIe s., puis se poursuit, après une interruption, par une quarantaine allant de 315 à 355, avec une nette prédominance vers 330-340 ; enfin, la fin du IVe s. est représentée par deux monnaies, dont la dernière -du nom d'Arcadius -peut avoir été frappée vers 395. Au Ve s. correspond une imitation tardive d'une silique en argent d'Honorius, qui peut provenir des premières activités des Bretons (déterminations dues à l'obligeance de M. Goulpeau). Après avoir épierré les murs qui les gênaient et en avoir fait disparaître les matériaux dans plusieurs fosses creusées dans le limon lœssique, les Bretons ont construit un bâtiment en bois, juxtaposé à l'extrémité orientale de ce qu'ils ont conservé de l'édifice gallo-romain : un certain nombre de trous de poteaux en ont été retrouvés. Cette opération est datée grossièrement par le radiocarbone à partir des charbons de bois contenus dans la fosse où avaient été jetées les tuiles, date qui se situerait vers 490-500. Un certain nombre de menus tessons de poterie E ont également été trouvés dans ces fosses et parmi les restes parsemant tout le site. Ce type de poterie commune, bien cuite, a été très largement importé dans les régions celtiques insulaires pendant l'espace de temps 450-650, et, sur des critères minéralogiques, il semble devoir provenir de Saintonge ou d'Aquitaine où cependant il n'a pas encore été reconnu jusqu'ici. On a également recueilli, hors contexte, deux petits tessons qui semblent être de la poterie B-IV des archéologues britanniques, et dans ce cas, proviendraient d'importations méditerranéennes de la région de Constantinople, alors datables de 450 à 570 environ. Un certain nombre de tessons assez frustes sont d'apparence mérovingienne, avec quelquefois des impressions à la roulette ou des décors irréguliers incisés. Les fondations complexes de plusieurs constructions sommaires en maçonnerie subsistent, d'époque médiévale : elles représentent sans doute plusieurs états d'une petite chapelle dédiée à saint Budoc et des bâtiments annexes. On a vérifié que les cellules sur la crête rocheuse à l'e. du site ont en fait été occupées lors du renouveau érémétique des XIe-XIIe s. Le cimetière montre que, très rapidement après le décès de saint Budoc, les fidèles ont voulu se faire enterrer auprès d'un maître de si grande réputation. Les fouilles ont fait découvrir de nouvelles sépultures masculines anciennes -adultes de divers âges et quelques enfants -dont certaines avec un peu de mobilier, malgré les traces fréquentes des détrousseurs de cadavres. C'est ainsi que M. Giot a découvert deux umbos de boucliers en fer, d'un modèle courant chez les Francs vers le VIIe s., et une paire d'éperons. Les tombes les plus anciennes sont les plus profondément creusées dans le limon, avec une forme en cuve de sarcophage. Des notables du royaume breton de Domnonée ont donc été ensevelis dans cet îlot. Mais le cimetière continua à être utilisé jusqu'au Moyen Age. Lavret est finalement le seul site du domaine des anciens Bretons où des traces patentes et nombreuses d'occupations aux Ve-VIe-VIIe s


 


 

Douarnenez. -M. M. Clément a poursuivi, en 1979, pour la troisième année consécutive, la fouille de l'important site archéologique de Trogouzel et amorcé l'étude du matériel. Une première construction en bois a été élevée sur le site à une époque aussi reculée que le ne s. av. J.-C. et peut-être même auparavant. On en connaît deux trous de poteaux (fig. 27) qui, par leurs dimensions, témoignent de la taille imposante de cet édifice primitif. L'un des trous a un diamètre de 0,80 m et une profondeur de 0,60 m, l'autre, pour un diamètre identique, descendait à 0,80 m. La destination cultuelle de ce premier ensemble n'est nullement attestée mais ne doit pas être écartée a priori. Ce premier temple (?) brûla dès la fin du IIe ou le début du Ier s. av. J.-C. En effet, des charbons de bois issus de l'épaisse couche de terre noire qui recouvrait les structures gauloises ont été soumis à la mesure du radiocarbone, laquelle a fourni deux datations assez hautes : 250 à 60 av. J.-C. Et 120 à 60 av. J.-C. Il faut se souvenir également que des témoignages encore plus anciens, pouvant remonter aux ve et ive s. avant notre ère, ont été recueillis sur le site : tessons de céramique estampés de La Tène ancienne, stèles funéraires hautes, prouvant la pérennité des lieux de culte celtiques. A l'époque romaine, en un seul siècle, trois édifices différents se superposèrent au même endroit : le premier, sous Auguste, au tout début du siècle ; le deuxième, vers les années 40-50, le troisième sous Domitien, au tournant du ne s. Les restes des deux premières constructions, presque totalement éliminées lors de la dernière campagne, aperçus en 1978, n'ont pas été revus en 1979. Par contre, le plan de l'édifice flavien se précise : une grande salle latérale interrompt au s.-e. la galerie du déambulatoire, dont le mur extérieur était renforcé de puissants contreforts. La destruction de ce dernier temple pose problème : M. Clément pense à un effondrement brutal, les murs basculant vers l'extérieur par pans entiers, peut-être à la suite de malfaçons dont certaines sont encore visibles. Il ne faut même pas écarter un écroulement suivant de peu l'inauguration car aucun indice de fréquentation des lieux n'a été relevé au IIe s. Ainsi, sur une centaine de monnaies découvertes, tant gauloises que romaines, on n'en compte aucune de 84 à 266. Par contre, l'occupation reprend dès la fin du IIIe s. mais à à titre « parasitaire » : une sorte d'habitation en fosse a été creusée à l'emplacement de la salle latérale, un parement de pierres sèches se superposant au mur dérasé du temple. L'étude des monnaies montre que cette installation de fortune fonctionna entre 310 et 350, puisqu'elle fut abandonnée avant la fin du siècle. Un fragment de boucle de ceinturon de la seconde moitié du IVe s. figure parmi le mobilier découvert. Les occupants tardifs des ruines de Trogouzel venaient-ils d'Outre-Manche et faisaient-ils partie de l'avant-garde de l'émigration bretonne? C'est une probabilité, appuyée sur un examen plus minutieux des niveaux archéologiques de l'époque romaine tardive dans le Finistère.

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