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20 avril 2022 3 20 /04 /avril /2022 06:48
Maître Louis René de Caradeuc de La Chalotais

Le parlement de Bretagne.

Voici ce qu'écrivait M. L. de Villers au sujet d'une grande figure de Bretagne en cette fin du XVIIIe siècle. On aurait pu croire que La Chalotais ne supporterait pas les malheurs qui accablèrent sa vieillesse. Il était d'une faible santé, nous dit-il, et atteint d'une douloureuse infirmité ?. Quoi qu'il en soit, ni sa captivité, ni son exil ne l'empêchèrent d'arriver å un âge avancé. Ce fut dans les derniers jours de juin 1785 qu'il tomba dangereusement malade. Dès que le Parlement en eut connaissance, il délégua, sur la proposition de son premier président, M. du Merdy de Catuelan, deux conseillers, MM. de Lantivy et de Farcy de Saint-Laurent, pour aller chaque jour « s'informer de l'état de santé de M. de Caradeuc de la Chalotais !. » Deux jours après, le 2 juillet, La Chalotais mourait à l'âge de quatre-vingt-quatre ans. La mort ne le surprit pas. Après avoir reçu les secours de la religion, il s'éteignit doucement à une heure de l'après-midi, dans son hôtel. La charge importante dont était revêtu, la situation politique qu'il avait occupée, tout concourait à l'éclat de ses funérailles. Le jour même de la mort du procureur général, son fils chargea MM. Brossais, son substitut, et du Breuil Le Breton, avocat au Parlement, d'annoncer au bureau municipal la mort de son père et d'inviter les membres de la Communauté de la ville de Rennes, de sa part et de toute la famille, à assister au convoi funèbre : le lundi suivant, date qui avait été fixée pour les obsèques. Le maire, après avoir remercié ces messieurs, décida avec le bureau qu'ils se rendraient aux obsèques en corps et revêtus de leurs habits de cérémonie. La Cour, avertie également, répondit par l'entremise de « Messire Jean-François du Merdy de Catuelan, premier président, que la Cour se trouverait en corps auxdits obsèques et honorerait de sa présence le convoy et les funérailles dudit défunt et que les Présidiaux de Rennes seraient avertis de s'y trouver » Comme on le voit, on s'apprêtait à lui rendre des honneurs vraiment royaux. Voici comment les décrit un témoin oculaire : M. l'abbé Quéru de Lacoste, recteur de Saint Jean  : « Ordre dans lequel le convoy de M. de la Chalotais a été fait ce jour, 4 juillet 1785, tous les corps ont été convoqués et ceux qui s'y sont trouvés ont marché dans l'ordre qui suit : tous les enfants de Hospital, les Religieux Augustins, les Minimes, les Capucins, les Cordeliers, les Carmes, les Jacobins, chaque ordre sous sa croix respective ; ensuite marchaient les paroisses de Saint-Hélier, de Saint Martin, de Saint-Georges, de Saint-Aubin, de Saint Laurent, de Saint-Sauveur, de Saint-Germain, de Toussaints, de Saint-Étienne, enfin de Saint-Jean, sur laquelle paroisse est situé l'hôtel de la Chalotais, rue des Fossés, chaque paroisse sous sa croix respective, ses recteurs ayant leurs estoles. Monsieur l'abbé de la Biochaye faisait la levée du corps de notre agrément, marchant à la droite, portant aussi une estole. Le corps de M. de la Chalotais, découvert et en robe rouge, a été porté à l'ordinaire ; quatre conseillers du Parlement portoient les coins du poêle, quatre cierges d'honneur, et quatre cavaliers de la maréchaussée accompagnoient ; douze domestiques en noir, portant chacun un flambeau de cire, marchoient de côté ; venoient ensuite les parents ; suivoit le Parlement toutes les Chambres assemblée, le Présidial, la Communauté.... »

 

Quelques jours après les obsèques de La Chalotais, on lisait dans un journal local : « On regrette en lui un homme de lettre de premier mérite, un savant et un profond jurisconsulte, un grand magistrat. Les qualités de son cour ne furent point au-dessous de son génie ; l'estime et la vénération firent concourir à son triomphe tous ceux qui ne lui étaient pas attachés par les liens de l'amitié ou de la reconnaissance ? »

Maître Louis René de Caradeuc de La Chalotais

Louis René de Caradeuc de La Chalotais et le duc d'Auguillon.

S'il est un homme qui aura plaidé la cause de ses compatriotes Bretons face au despotisme qui régnait sous Louis XV, sans nul doute Maître Louis René de Caradeuc de La Chalotais fut celui là (voir Notes sur la famille de Caradeuc de la Chalotais). Dans la plupart des Provinces les parlements résistèrent aux nouveaux ordres émanant de Versailles, touchant le renflouement du coffre royal, vidé tant par le train de vie coûteux de la Cour de Versailles, que par des besoins financiers qui résultaient de la guerre de conquête au Canada qui dura sept ans, et s'acheva en 1763. Le duc d'Aiguillon alors gouverneur de la Province de Bretagne voulu faire adopter des nouveaux impôts mais se heurta à la fronde des parlementaires bretons, bien décidés à affirmer leur refus. La tention monta encore, quand quatre vingt cinq présidents et conseillers du parlement de Rennes choisirent de présenter leur démission au souverain. Un courrier anonyme fut intercepté, son contenu injurieux était destiné au ministre Louis Phélypeaux de Saint-Florentin. Une enquête fut ouverte, et les procureurs généraux Louis René de Caradeuc de La Chalotais et son fils Anne-Jacques-Raoul de Caradeuc furent arrêtés. Au cours du mois novembre 1765, le vénérable magistrat âgé de soixante quatre ans, fut envoyé au château du Taureau puis transféré à Saint-Malo. Voici ce qu'il écrivait : « Mais si, dans une monarchie tempérée, deux procureurs généraux de la réputation la plus intacte, l’un depuis trente-cinq ans, l’autre depuis dix ans de magistrature, sont exposés à de pareils traitements, et livrés à la discrétion de leurs ennemis, n’ayant que la ressource de la justice et des lois, et même ne l’ayant pas, puisqu’ils ne peuvent écrire au roi, ni se justifier, que n’auraient point à craindre nos juges eux-mêmes ? Fait au château de Saint-Malo ». Il fut envoyé ensuite en exil à Saintes, et ne revint qu'en 1774, Louis XVI ayant succédé au roi Mal Aimé. Sans doute pour réparer les erreurs commises à l'égard de cet homme respectable, le nouveau souverain décida en 1776, par lettres patentes d’ériger la terre de Caradeuc en marquisat (voir Le château de Caradeuc à Longaulnay, en images.). C'est à Rennes en son hôtel particulier, que ce grand homme s'éteignit le 2 juillet 1785.

Maître Louis René de Caradeuc de La Chalotais

Hôtel de Caradeuc en la ville de Rennes, 

aussi connu sous le nom d'hôtel de Marboeuf.

(cliché Monumentum)

 

 

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